Au cours d’une interview que je donnais récemment à la radio publique hongroise, le journaliste, partant très certainement des meilleures intentions, a cru bon de rappeler que j’ai été interdit de territoire en Roumanie « après avoir attaqué [verbalement] des ONG financées par G. Soros ».
J’ai bien sûr noyé le poisson, en faisant remarquer que, d’où que provienne le financement desdites ONG, ce qui compte, c’est que je n’ai, à leur encontre, rien commis d’illégal (mais simplement exprimé des opinions, comme la constitution roumaine m’autorisait à le faire), rien qui aurait pu justifier légalement mon expulsion.
Ce faisant, pourtant, je souriais sous cape. Car, au moment de l’interview, j’étais justement occupé à couvrir (pour Le Courrier des stratèges) Davos 2023, édition du Forum marquée… par l’absence très remarquée de G. Soros. Confirmation de la thèse qui mûrit en moi depuis presque deux ans, et qui m’a amené à la remise en cause de beaucoup de mes préjugés de l’avant-2020 – y compris (ironie de l’histoire) ceux dont l’étalage avait fini par convaincre « les autorités roumaines » [1] de la nécessité de m’éloigner de force d’une intellectualité transylvaine au sein de laquelle je m’avançais vers un rôle dominant.
Cette thèse étant que Soros est le grand perdant du Great Reset.
Il m’a fallu – je l’avoue sans grande fierté – presque deux ans de Grande Réinitialisation pour comprendre à quel point Soros, sa galaxie d’activistes et sa doctrine représentaient une facette superficielle et, finalement, retardataire du mondialisme – c’est-à-dire du pouvoir de la Caste.
Du coup – tout en adhérant toujours aussi peu à son idéologie – je comprends enfin cet homme complexe, probablement mieux, en tout cas, qu’à l’époque où j’étais (quoique certainement à son insu) son ennemi déclaré.
Soros et Trotski : des aristocrates de l’égalitarisme
Ce qui m’aide aussi certainement à mieux comprendre Soros, c’est la lecture de son grand ancêtre (dans la généalogie des tempéraments, sinon dans celle des idéologies) : Léon Trotski.
En lisant le Staline de Trotski, ce que je comprends de mieux en mieux, c’est, encore plus que Staline [2], Trotski lui-même – et, plus largement, l’univers spirituel du bolchévisme « russe urbain », et, en général, de la juiverie européenne de gauche.
Pour quiconque s’avance sur une telle voie en provenance de l’horizon des poncifs antisémites ultramontains, ce qui frappe le plus, chez les représentants d’élite de ce milieu, c’est leur extrême noblesse intellectuelle.
Dans la foi bolchévique qu’il nourrissait pour des idéaux dont Staline ne pouvait même pas comprendre l’énoncé [3], dans son idéologie brutalement négatrice des réalités anthropologiques les plus simples, dans cette folie furieuse et meurtrière, Trotski, de bout en bout, est sincère. Il croit (sans même réussir à vraiment la nommer) à son idole Progrès jusqu’à ce jour de Mexico où, penché sur le manuscrit de son Staline, il prend dans la nuque le coup de pic-à-glace de R. Mercader [4].
Le très antisoviétique et antiléniniste Soros, de même, aurait très bien pu dissimuler son enfance picaresque dans le Budapest de l’occupation nazie – et notamment le fait qu’elle n’a pas vraiment été placée (c’est le moins qu’on puisse dire) sous le signe de la résistance. Comme moi-même jouant en 2017 les Sancho Panza aux côtés de Douguine à Chișinău, György Schwartz, dit Georges Soros, a eu, avant 1945, de bien étranges expériences de jeunesse. Et, comme elles ont contribué à faire de lui l’esprit qu’il est devenu, il n’en a pas honte. Il a conscience d’avoir dépassé Trotski, dépassé le bolchevisme (au vrai sens hégélien du mot), et sait bien qu’il n’y serait jamais parvenu sans ces années de formation, sans l’expérience de la guerre et de la collaboration avec un occupant totalitaire qui nourrissait, vis-à-vis de son ethnie [5] des projets fort peu amicaux.
1945 : le mondialisme encore uni, dans l’unanimité antifa
À cette époque, alors que Trotski est mort depuis 5 ans et pendant que Schwab va à l’école primaire, Soros et Kissinger sont sur la même ligne – appelons-la « antifasciste » : il faut éliminer les restes du totalitarisme. Restes géographiques : l’Union soviétique doit tomber. Et restes culturels, surtout en Occident (avant tout américain) : il faut liquider la « personnalité autoritaire » [6].
Dès la fin des années 1950, la déstalinisation remet en cause ce cadre interprétatif – mais Soros, trop occupé à faire du fric à Londres, ne le remarque pas. Ou peut-être pense-t-il simplement que c’est juste une bonne nouvelle du front : que sa cause avance.
Kissinger, lui, a vite compris qu’on a changé de monde [7], et en déduit discrètement une doctrine actualisée, dans laquelle le plus grand danger identifiable pour la Caste n’est plus l’ensemble des « ennemis de la Société ouverte » [8], mais le risque d’une alternative de droite au Projet occidental sous sa forme du moment (la république maçonnique), dont il prévoit déjà la faillite finale – qu’il faudra néanmoins attendre jusqu’en 1991 (chute de l’URSS) [9].
La réponse adaptative de Kissinger, dont l’idéologie schwabienne nous fournit une variante brouillonne et vulgaire, mais au moins publique, est celle qu’il exemplifie dans les faits en 1972 (un an après le premier sommet de Davos) en emmenant Nixon à Pékin pour y rencontrer Mao : le seul moyen d’empêcher l’homme blanc non progressiste de reprendre le contrôle de sa destinée, c’est de précipiter le crépuscule de sa domination mondiale (coloniale), déjà bien avancé, et de remplacer les élites mondiales blanches par une élite « multiculturelle » (en réalité : multiraciale), en donnant, au sein de la Caste, droit de cité aux oligarques du monde pigmenté. Ce faisant, Kissinger a été pour le Projet occidental l’équivalent d’un Paul dans le christianisme, ou des fondateurs de la Rome impériale au sortir de l’époque de la République latine.
1991-2020 : Soros devient de facto réactionnaire
À partir de ce point, Soros devient, du point de vue du Projet occidental, un réactionnaire. Il n’est bien sûr pas plus raciste que Kissinger ou Trotski : pas raciste pour un sou. Face à un Xi, à un Poutine ou à un Assad, en revanche, il retrouve les réflexes (finalement assez chauvins) d’un Trotski face au géorgien Staline : à l’exemple d’un E. Zemmour [10], il veut bien faire affaire avec la terre entière, à condition que tout le monde utilise des WC à l’anglaise, tolère les swinger clubs, chérisse ostentatoirement l’homosexualité, etc. – en d’autres termes : que toute cette chefferie pigmentée veuille tout de même bien se comporter comme la bourgeoisie blanche européenne dont Soros (comme Kissinger) est issu.
En d’autres termes : l’adhésion de Soros à l’Occident en tant que Société ouverte est sincère, principielle, non dialectique. Dans son cas, la dialectique s’est, plus exactement, arrêtée : hypostasiée, la Société ouverte devient un absolu post-historique, un but en soi. En cela, paradoxalement, il rejoint (sans probablement s’en rendre compte), d’autres héritiers égarés de l’Occident : les continuateurs protestants (puritains) du Premier Occident (médiéval), qui – refusant de prendre le tournant dialectique de la Renaissance catholique – perpétuent aux marges (protestantes) de l’Occident la tradition (en réalité néo-médiévale) de Luther. En d’autres termes : Soros rejoint les libertariens.
Jusqu’en 2020, ce décalage métaphysique entre doctrine de la Société ouverte et mainstream intellectuel mondialiste (incarné par Kissinger) n’est, en soi, gênant pour personne. Comme le disait Fabius des djihadistes d’al-Nosra, Soros fait du bon boulot, à la tête d’une sorte de gigantesque bataillon de représailles, chargé avant tout d’éliminer des concurrents géopolitiques de l’Empire. Autre façon de dire qu’il continue le travail de Kissinger, tel qu’il se présentait jusqu’à la fin des années 1960 [11] – lorsque ce travail avait encore un sens au sein de la métaphysique du Projet occidental (contre le stalinisme et ses séquelles). Soros rend de bons services, justement parce qu’il travaille sincèrement, et fait travailler sous lui, au meilleur coût, une armée internationale « d’activistes de la société civile » : il rémunère certes quelques leaders, graisse des pattes çà et là, mais la grande majorité est constituée « d’idiots utiles », qui adhèrent, comme Soros lui-même, sincèrement à ce sous-projet libéral-libertaire, incarnation d’un Occident enkysté.
Ce qui a définitivement séparé les visions du monde d’un Kissinger et d’un Soros, c’est avant tout la perception des événements de la grande décennie de transition 1991-2001. Grand capitaine de l’expansion à l’est du modèle occidental, Soros a passé cette décennie (ainsi que la précédente et la suivante, d’ailleurs) à parler avant tout à des « activistes » féministes, LGBT, pro-minorités ethniques, écologistes, etc., de Budapest, Bucarest, Prague, Kiev… – c’est-à-dire avec des représentants de la petite bourgeoisie postcommuniste, classe ascendante souvent constituée de descendants de la génération des refuzniks antisoviétiques de 1968.
Pendant ce temps, dans tous ces pays, une grande majorité appauvrie par les privatisations sauvages et la « thérapie de choc », désabusée par la « transition vers le capitalisme », plébiscitait le projet néo-soviétiste d’A. Loukachenko [12] – que l’oligarchie post-soviétique, à la fin des années Eltsine, n’a pu conjurer qu’en lançant son propre Canada Dry du néo-soviétisme, sous la forme du produit marketing Poutine [13].
Kissinger, par contre, a passé (lui, et son porte-coton Schwab) toutes ces années à parler aux élites de ces pays. Or, même l’ère Eltsine n’aurait pas été possible sans l’exemple de la Chine de Deng [14], qui a convaincu lesdites élites (héritiers de l’oligarchie poststalinienne) de la possibilité de maintenir un modèle oligarchique sans avoir à sacrifier formellement « le capitalisme » – comprendre : l’économie de marché, le pluralisme politique de surface, et une relative liberté de la presse. Ce raisonnement n’est pas dénué de failles, étant donné qu’il pose en prémisse l’applicabilité à un monde européen et péri-européen d’un « modèle » chinois qui a certes réussi jusqu’ici, mais dans un monde néo-confucéen qui, au moment de la mort de Mao, restait majoritairement agraire. D’où la question la plus épineuse de toutes : une rhétorique pseudo-nationaliste (« illibérale ») suffira-t-elle, en l’absence de réels progrès du niveau de vie, à garantir la tranquillité de masses blanches déjà en partie habituées à un certain bien-être [15], et à un minimum de démocratie (notamment en Europe centrale) ? On peut en douter, mais la stabilité du modèle oligarchique russe relooké par le poutinisme [16] a néanmoins dû convaincre cette classe (la classe des interlocuteurs de Kissinger/Schwab) de l’efficacité du projet.
2020 : triomphe de l’Occident pigmenté
C’est ce projet dont j’ai philosophiquement formalisé la description dans un écrit fondamental de décembre 2022, sous le nom d’« Occident pigmenté ». Le concept de base, c’est la perpétuation du modèle oligarchique hérité de l’Occident jadis colonial, mais sous une forme néocoloniale (ou postcoloniale), post-1945, post-Nuremberg, antifasciste et antiraciste. C’est le format Davos : une sorte de congrès de Vienne annuel [17], mais auquel sont aussi invités des slaves orientaux et formellement orthodoxes (sauf en 2022-23), des arabo-musulmans et perso-musulmans, des Chinois, des hindous, des Africains, etc. – à condition qu’ils soient eux aussi milliardaires (ou politicards « démocratiques » à la solde de milliardaires), eux aussi antiracistes, féministes [18], multilatéralistes, en un mot : progressistes. Ne sont exclus du programme que la famille Kim en Corée, les talibans afghans, A. Loukachenko [19] et quelques leaders africains pas forcément plus sanguinaires que leurs voisins, mais qui ont le mauvais goût de nommer un Gates un Gates.
En échange de quoi Davos leur promet implicitement une généralisation mondiale du « modèle » diplomatique chinois : sous couvert de « respect de la diversité culturelle », les équivalents politiques [20] pigmentés de nos Merkel et Macron seront autorisés à censurer leurs médias [21], à emprisonner quelques opposants – et surtout à liquider toute agitation syndicale (programme d’ailleurs en cours d’extension en Occident).
Ce projet – que Schwab résume de façon presque sincère dans son Covid19 : La Grande Réinitialisation de 2020 –, c’est, finalement, une extension à la gestion progressiste/oligarchique mondiale du programme de réalisme stalinien auquel la Russie soviétique s’est convertie au cours de la seconde moitié des années 1920 – le rythme de cette conversion étant, à l’époque, manifesté par la mise à l’écart progressive de Léon Trotski, qui était le seul des grands leaders révolutionnaires historiques refusant systématiquement d’entrer dans le deal de Staline [22]. Pour le mainstream progressiste occidental, à l’époque, cette politique était inacceptable, car le mot d’ordre stalinien du « socialisme dans un seul pays » entérinait la renonciation à l’internationalisme, et rendait suspect de « chauvinisme » le régime de Staline, au demeurant soupçonné d’antisémitisme [23]. Le contexte a certes énormément changé, mais il n’empêche toujours pas un trotskiste pur-sang comme BHL [24] d’avoir eu une première réaction extrêmement négative au putsch covidiste [25]. Par descendants (spirituels) interposés, ces vieux ennemis morts depuis longtemps (la face stalinienne du léninisme, et sa face trotskiste) se reconnaissent toujours, d’instinct.
2023 : le dernier Davos, épilogue pour un divorce
En dépit d’un certain degré de connivence oligarchique – souvent répercuté jusqu’au niveau du petit personnel de « l’activism » –, le modèle Kissinger et le modèle Soros sont donc des continents qui s’éloignent depuis au moins 2001 – même si, sur le fond, on pourrait tout aussi bien faire remonter le début de la rupture à 1991, voire à 1972 [26].
C’est cette rupture qu’a, en quelque sorte, officialisée le récent sommet Davos 2023, au cours duquel Kissinger (qui a, pour ainsi dire, les clés de la boutique) est une fois de plus intervenu [27], presque sans modifier son discours conciliateur de 2022, alors même que, dans l’auditorium, tout le petit personnel de la russophobie institutionnelle balto-scandinave et polono-ukrainienne donnait, sous la baguette d’Ursula, libre cours à ses accès d’hystérie belliciste. Et surtout [28] : pendant que Soros, lui – qui, à choisir, aurait tout naturellement dû se joindre à ce ridicule chœur des Érinyes – brillait par son absence.
Car lui, Soros, le grand vaincu, sait bien que « l’Histoire » (comprendre : les décisions de la Caste) finira forcément par « donner raison » – comme toujours depuis plus de 50 ans – à Kissinger. À 92 ans, peut-on vraiment en vouloir à Soros de ne pas vouloir se ridiculiser comme le premier Sikorski venu ?
Notes
[1] Roumaines, ou occidentales (américaines, voire françaises ?), « l’État profond » roumain n’ayant pas la réputation de prendre beaucoup de décisions (et notamment de décisions concernant des ressortissants français) « en solo »…
[2] Sur lequel on découvre, cela dit, plus d’un détail savoureux, dans cet ouvrage écrit à charge, mais avec l’honnêteté intellectuelle (certes démente, mais réelle) qui caractérisait visiblement Trotski.
[3] Même pas en russe (la seule langue étrangère que le géorgien Staline ait été plus ou moins capable d’assimiler) – donc indépendamment du fait qu’il n’avait (en dehors des écrits de Lénine) pas accès à la version originale des écrits fondamentaux du marxisme.
[4] Et même encore quelques heures après le coup de pic – à en croire les déclarations auxquelles il aurait procédé sur son lit de mort. Né à l’époque de la Renaissance, Trotski (très certainement converti) aurait sûrement fait un excellent moine franciscain.
[5] Ethnie (juive) qu’en tant que telle Soros méprise, cela dit, comme Trotski la méprisait, et comme l’un et l’autre méprisent toutes les autres ethnies du monde – avant tout dans sa dimension religieuse (y compris quand cette dernière apparaît « reformulée » sous les formes de ce que Trotski, dans ce Staline qui est son testament de facto, appelle « les cérémonies infantiles de la maçonnerie », maçonnerie que l’URSS avait d’ailleurs interdite sans s’attirer aucune critique de sa part).
[6] C’est le programme de la fameuse école de Francfort, largement délocalisée en Californie.
[7] S’il ne l’a pas compris dès 1956, devant la non-intervention de l’OTAN contre la mise au pas brutale de Budapest, il l’a compris au plus tard en 1962, devant l’issue « surprenante » (du point de vue du récit « guerre froide ») de la crise des missiles de Cuba.
[8] Expression due à K. Popper, mentor de G. Soros.
[9] Notons néanmoins qu’à cette époque, il existait aussi des phénomènes de convergence « rouge-brune » (évolution de la Nouvelle Droite dans les années 1970, dimensions anti-impérialiste et anti-judaïque du nationalisme panarabe, etc.) qui, au moins en surface, semblaient justifier – au sein, du moins, de ce que j’appelle depuis quelques mois l’illusion géopolitique – le maintien d’un récit qui identifie l’un à l’autre ces deux dangers – alors même que l’un (la nostalgie de l’autoritarisme – de ce que, dans Køvíd, j’ai appelé le « Deuxième Occident ») nous venait du passé, et l’autre (Ted Kaczynski, les débuts du nationalisme blanc, etc.) annonçait l’avenir. Kissinger a eu la lucidité (favorisée par son pragmatisme) de le comprendre – à la différence de Soros.
[10] Qui flatte pourtant – comme la famille Le Pen l’a fait avant – la frustration ethnique d’une France de souche envahie par son ancien empire colonial.
[11] Avec des épiphénomènes encore aussi tard que 1975 (opération Condor), alors même que la vision du monde de Kissinger (et de la super-élite qu’il représente) avait, en réalité, probablement déjà changé. Un aussi gros fusil ne change pas d’épaule en l’espace de quelques mois, ni même de quelques années.
[12] Crédité, vers le milieu des années 1990, de popularités dépassant les 60 % dans tous les États héritiers de l’URSS. Dans les États post-communistes hors-URSS (et hors-Yougoslavie), une tendance similaire a pu être observée, quoique sous la forme de partis généralement rattrapés dans leurs programmes – à divers degrés, selon les pays – par les diverses traditions chauvines héritées des régimes fascistes des années 1920-30 : Parti de la Grande Roumanie (typiquement national-communiste), MIÉP hongrois, etc. Sans le bakchich de l’adhésion à l’UE (qu’ont pu agiter les partis euro-compatibles : FIDESZ hongrois des années 1990, PDL de Traian Băsescu, etc.), ces partis auraient probablement, là aussi, pris le pouvoir. Le retour de boomerang anti-transition a néanmoins rattrapé ces pays, mais au début des années 2010, sous une forme déjà (discursivement) anticommuniste, récupérable par Davos (retour au pouvoir du FIDESZ en 2010, gouvernements Fico en Slovaquie, PiS polonais…).
[13] Produit inventé par le génial ingénieur social V. Sourkov : histoire racontée sous des dehors fictionnels, mais avec beaucoup plus de réalisme qu’on pourrait le penser, par le génial romancier russe I. Pélévine, dans un son roman Génération P, d’ailleurs porté à l’écran en Russie en 2010.
[14] Exemple dont l’existence même – rappelons-le – a dû sa simple possibilité aux pourparlers Nixon-Kissinger-Mao de 1972.
[15] Par la prospérité poussive des années Brejnev pour les européens post-soviétiques, et par les Trente Glorieuses en Europe de l’Ouest.
[16] Et même de sa pâle copie hongroise sous les gouvernements Orbán de l’après-2010, plébiscités par l’électorat pendant plus de 10 ans, en dépit d’un salaire moyen désormais inférieur même à celui des Roumains – le tout grâce à une démagogie efficace (« protéger » la Hongrie de musulmans qui n’ont jamais songé à s’y établir, etc.).
[17] H. Kissinger a choisi d’écrire sa thèse de doctorat (soutenue en 1950 à Harvard) sur le congrès de Vienne. Ses modèles personnels sont probablement Metternich et Talleyrand. On peut en déduire que, dès cette époque, il avait compris que le dernier grand homme de l’Occident a été Napoléon (sur ce point au moins, Hegel avait vu juste – il y a encore eu Staline, mais c’était un européen périphérique, à moitié oriental). Depuis la mort de Staline, c’est le Spectacle intégral, et toutes les éminences sont grises. Kissinger, qui ne manquait pas d’ambition, s’est fixé pour objectif personnel de devenir la plus grande de ces éminences. Et l’a, à mon humble avis, atteint.
[18] Avec une option plus ou moins discrète sur l’agenda LGBT : c’est notamment la (trop) forte discrétion de cette option qui signalise le statut encore très périphérique de la section orthodoxe du club – par ailleurs parfaitement alignée (notamment dans le domaine du féminisme, à la faveur de l’héritage postsoviétique) ; ladite élite se sert d’ailleurs, justement, de ce marqueur identitaire pour justifier le maintien au pouvoir de ses marionnettes politiques (comme V. Poutine), et empêcher l’arrivée au pouvoir d’autres marionnettes trop directement contrôlées par d’autres section du club oligarchique mondial : la Russie, nous dit V. Poutine, est le pays (au demeurant parfaitement féministe, antiraciste et biosécuritaire) « où on dit "papa" et "maman" – pas "parent 1" et "parent 2" » – un détail que les russes empoisonnés au Spoutnik V apprécient très certainement comme il se doit.
[19] Connu pour son hétérosexualité bien assumée, son réalisme anthropologique (nommé « machisme » et « cynisme » dans l’Occident davosien), et même quelques propos – certes pas vraiment antisémites – mais tout de même « malséants » sur la Shoah – sans même parler de sa mauvaise habitude d’aller cafter la Banque Mondiale quand elle lui fait des propositions plus ou moins honnêtes concernant la « sécurité sanitaire » de son peuple…
[20] Qui sont d’ailleurs – c’est l’aspect le plus ironique du programme – de parfait clones culturels de leurs parrains davosiens blancs…
[21] « Pour prévenir les discours de haine », comme dans la Russie poutinienne (qui rivalise de lois mémorielles avec la France de l’après-Mitterrand), où la censure est – chaque fois que c’est humainement possible – justifiée par le récit antifasciste hérité du stalinisme.
[22] Deal, au demeurant, particulièrement retors, compte tenu du fait que – à quelques exceptions près, d’ailleurs révélatrices – tous ceux qui ont accepté de conspirer, à un moment ou un autre, contre leur camarade Trotski ont fini assassinés par Staline encore du vivant de Trotski (lui-même liquidé en 1940)…
[23] Assez injustement au demeurant (du moins, du début de sa carrière jusqu’à la visite de Golda Meir à Moscou en 1948 – donc à l’exception des 5 dernières années du stalinisme) : ce n’est pas en tant que juifs que Zinoviev, Kamenev, etc. (plus, probablement, Sverdlov, s’il a été empoisonné), ont été exécutés, mais en tant que concurrents politiques au sein de l’élite bolchévique (de ceux qui « avaient vu Lénine »).
[24] BHL étant avant tout le clone francophone de Soros, comme Attali cherche, dans son style si distinctement méditerranéen, à égaler le teuton Schwab : jusqu’en 1914, la France donnait de là ; depuis lors, elle singe. Cf. mon article « Pourquoi de grands auteurs comme P. Hillard et L. Cerise n’ont pas écrit Køvíd ? ».
[25] Matérialisée par son brûlot de 2020 : Ce virus qui rend fou.
[26] Simplement, en 1972, même si Staline est mort, l’URSS – son œuvre – est encore en vie, et, aux yeux des néo-con (descendance droitisée du trotskisme historique) qui dominent alors la réflexion stratégique d’un Empire encore américano-centré, Kissinger peut encore justifier son projet de rapprochement américano-chinois par la nécessité de fragiliser le pouvoir soviétique (lequel, comme le démontraient certaines tendances au sein du brejnévisme, n’avait pas encore totalement consommé sa déstalinisation – qui n’est en réalité devenue complète qu’avec l’arrivée au pouvoir du Gorbatchev, et donc, potentiellement, avec la disparition de l’URSS).
[27] En duplex – eu égard, probablement, à son grand âge : 99 ans.
[28] Car tout ce petit personnel peut (par définition) très bien disparaître dans l’année : médiatiquement, voire physiquement.
Article initialement publié sur Égalité & Réconciliation.