Ceux qui ne me suivaient pas « avant le Kövid » n’en ont pas forcément conscience, mais il n’est pas certain qu’il existe un publiciste de langue française plus lourdement puni que moi pour des prises de position dont la constante la plus affirmée sur la période 2014-2020 était le soutien à cette illusion de non-alignement que vendait alors le pouvoir poutinien.
Pour rappel, donc : ces positions (que je ne renie pas le moins du monde pour autant qu’il s’agit, par exemple, de solidarité avec les victimes d’épuration ethnique en Ukraine orientale) m’ont entre autres valu ma radiation des cadres de l’Education Nationale française (en tant qu’agrégé normalien : vous en connaissez beaucoup ?) et cinq ans d’interdiction de territoire dans ma patrie d’adoption (la Roumanie, dont j’étais résident – et avec un passeport de l’UE en poche !). Le tout, avec un casier totalement vierge dans tous ces pays, mais sous un lourdingue tir de barrage médiatique de la presse OTANesque roumaine m’accusant (naturellement sans preuves) de bosser pour le Kremlin. 5 ans. Habillé en homme. J’attends donc, jeunes onanistes, vos leçons de philorussisme avec un intérêt réel, quoique vaguement sardonique.
Ce qui est, ensuite, presque aussi drôle, c’est que je n’ai, depuis lors, renié que très peu de tout ce que j’avais affirmé (à un coût si exorbitant) à l’époque. Je n’avalise toujours pas la version occidentale des « événements du Maïdan » (même si j’ai pu entre-temps devenir sensible aussi à certaines incohérences de la version (pro-)russe), je ne crois toujours pas au nation-building à grands coups de crosse dans la gueule, je ne vois toujours pas en quoi les consommateurs occidentaux du gaz russe disposeraient d’un droit divin sur cette ressource naturelle contenue dans le sous-sol d’un AUTRE État, etc.
1. Huit plus (/trop) tard : j’attends toujours qu’on m’explique ce qui a essentiellement changé sur le terrain et autour du terrain pendant ces 8 années, au cours desquelles la Russie a certes accueilli des réfugiés et prodigué une assistance humanitaire, mais au cours desquelles la direction anti-impérialiste des fameuses républiques sécessionnistes a aussi été décapitée avec – sinon l’aval de la Russie, que je ne suis pas en mesure de prouver – mais dans le contexte (c’est le moins qu’on puisse dire) d’une passivité certaine du Kremlin.
2. En accompagnant l’offensive militaire (pas si ratée que ça en soi : les analystes pro-russes ont raison sur ce point) d’un discours totalement contradictoire/incohérent/
a) être formulées à l’encontre d’acteurs que le discours pro-russe lui-même décrit depuis des années comme irrationnels et parjures : et soudain, c’est la signature de ces gens-là (Biden, Zelensky) au bas d’un parchemin qui serait censé entériner la « victoire russe » ?
b) être formulées à l’encontre d’acteurs que Moscou n’a pas les moyen de réellement mettre sous pression : Washington, que le cirque des sanctions va enrichir, l’OTAN, qui gagne des points médiatiques à chaque décollage d’appareil russe, et ce fameux « gouvernement ukrainien » que ses propriétaires/marionnettistes pourront toujours déplacer/reconstituer 500 km plus à l’Ouest du siège que se sera choisi tout gouvernement ukrainien pro-russe (que ladite junte qualifiera de gouvernement-fantoche dès sa première heure de fonctionnement). « Conquérir l’Ukraine », c’est comme conquérir l’Afghanistan : c’est enfoncer du dur dans du mou.
Sans ces exigences bizarroïdes, Poutine aurait même pu se passer d’envahir, et simplement fermer le robinet du gaz. Quand on voit comment, à travers toute l’Europe, le prix à la pompe plombe d’ores et déjà l’enthousiasme pro-Kiev de masses occidentales à qui le Kremlin sert pourtant un spectacle qu’on dirait coécrit par Anne Apfelbaum et Raphaël Glucksman (lesquels, à défaut d’avoir été associés au copyrighting, doivent se contenter de le commenter avec une allégresse mal dissimulée), on comprend tout de suite qu’un bon tour de vis entamé en novembre 2021 (voire plus tard) aurait, à l’heure où j’écris, déjà envoyé Macron et Scholz par-dessus bord depuis longtemps. Et le Kremlin s’était même, en la personne de la Hongrie « illibérale » et bien chauffée, préparé un poster child parfait pour montrer aux crétins frissonnant sous leur muselière covidienne les bénéfices hivernaux d’une attitude pragmatique face à la Russie. Au lieu de quoi cette offensive tardive, inesthétique et NON-ACCOMPAGNÉE d’un réel tour de vis gazier risque bien de sauver le soldat Macron, le soldat Trudeau, et donc, finalement, le Great Reset.
1) Soit de la stupidité la plus totale (hypothèse quand même difficile à avaler, s’agissant du fameux « joueur d’échecs 5D » du Kremlin),
2) Soit d’un agenda difficile à préciser, mais, en tout état de cause, tout autre que celui qu’on attribue (à l’Est COMME à l’Ouest) à V.V. Poutine. Rappelons au passage qu’en dépit d’un « allègement des mesures » (comme en Occident : sans annulation) en Russie, les sieurs Gräf, Tchoubaïs, Gintsburg et Sobyanine (c’est-à-dire les amis moscovites de Bill Gates, et autres gardes rouges du covidisme russe) sont toujours en liberté, et en fonction. Pendant les travaux de refonte de l’ordre géostratégique, visiblement, la vente des QR schwabiens se poursuit.
Modeste Schwartz
13 mars 2022.