Le logos occidental, versant cognitif de la théandrie hégélienne I Par Modeste Schwartz

Ou : quand la langue est sommée de se réduire à la parole, et vice-versa.

Alexandre Kojève

à Alexandre Douguine... 

Il n’y a Temps que dans la mesure où il y a Histoire, c’est-à-dire existence humaine, c’est-à-dire existence parlante »
- A. Kojève, Introduction à la lecture de Hegel, p.429 [1]

Commentant la figure énigmatique du Sage (dernier avatar dialectique du philosophe, dont l’avènement marque la fin de l’histoire) telle qu’elle apparaît dans le chapitre VIII de la Phénoménologie de l’Esprit de Hegel, Alexandre Kojève affirme qu’« il est effectivement tout ce qui est ; et il le dit ; et il est tout ce qu’il dit. » (p.381)

On peut soupçonner Kojève d’avoir lui-même sous-estimé la circularité historique de cette définition dans le cadre de la Culture Occidentale. De même que la Culture Magique [2] avait culminé dans la théologie apophatique des pères grecs, la Culture Occidentale semble en effet fondée, au contraire, sur une théologie phatique – qui devient théandrie phatique à partir du moment hégélien, qui est le moment démocratique : le moment où le Souverain, décapité, transmet ses attributs à la vox populi. À la différence de la démocratie grecque, qui n’est qu’un mode d’organisation de l’égoïsme collectif d’une cité, donc – d’un point de vue occidental – une organisation mafieuse [3], la démocratie occidentale [4] est en effet une théocratie, mais sans clergé ni monarque thaumaturge. D’où son universalisme latent, qui implique que le moment westphalien ne soit qu’une phase de regroupement en vue de carnages de bien plus grande ampleur – étant donné qu’ils n’opposeront plus des royaumes, mais des nations démocratiques tout entières. Comme dans toute théocratie, Dieu conservant une fâcheuse tendance au silence, c’est en réalité la théologie qui règne, comme discours justificateur de tout acte de pouvoir – mais dans la théocratie occidentale, cette théologie n’est pas fondée sur le miracle et la révélation [5], mais sur l’interprétation occidentale du logos.

Cette notion qui a fait couler tant d’encre, c’est finalement le commentaire de Kojève qui nous en livre la clé, qu’on peut résumer par le dicton infantile français : c’est celui qui dit qui (y) est.

Pour la linguistique saussurienne, la parole (l’un des sens du grec logos), c’est l’instanciation de la langue, qui est structure : comme tout ce qui est doté d’une existence physique terrestre, la parole, comme somme de tous les énoncés déjà prononcés par les locuteurs d’une langue donnée à un moment donné de l’histoire, est finie, à la différence de l’abstraction déterminée « langue », qui est la somme des énoncés potentiels que permet cette structure-langue [6]. Autant dire que la linguistique saussurienne est le projeté linguistique d’une théologie apophatique : le logos comme langue est infini, mais inaudible à l’échelle de l’individu, qui ne peut que s’en rendre capable, l’acquérir intuitivement (comme l’enfant en écoutant parler les adultes), mais pas la comprendre résultativement (puisque, par définition, aucun ne vivra assez longtemps pour produire tous les énoncés possibles). Un peu comme l’acte de foi qu’implique l’adhésion à une religion donnée, l’intercompréhension [7] fonde la croyance en une langue unique (celle du peuple), mais cette divinité ne rend jamais d’arrêts définitifs : la langue est, dans son évolution, soumise à l’usage. C’est un système distribué, dans lequel, en dépit d’inégalités structurelles et conjoncturelles, tout locuteur a potentiellement voix au chapitre (possibilité de proposer un néologisme appelé à prospérer, etc.).

L’Occident, c’est, au contraire, l’Académie française. Il faut fixer la langue, étant donné que « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement ». Héritiers du vieux combat de la théologie catholique contre le nominalisme philosophique [8], les académiciens ne peuvent pas se permettre de laisser flotter la langue, car elle est le lieu de la révélation permanente et néanmoins non-indéfinie : celles des lois newtoniennes [9], bientôt suivie par celle des constitutions démocratiques et des déclarations des droits de l’homme. Du droit romain, l’Occident déduit l’idée qui allait déboucher sur le mythe de l’IA : une machine à comprendre, dotée d’un code assez précis pour rendre superfétatoire la corporéité dangereusement historique, dangereusement culturelle (en un mot : dangereusement humaine) du juge-interprète.

Comme tout droit, aussi écrit fût-il, doit être interprété, la réalité des sociétés humaines, c’est toujours, finalement, celle du droit anglo-saxon : du droit du précédent et de l’extrapolation. On juge comme on parle : en instanciant la langue, qui n’est que la structure qu’on déduit, à un moment t du temps, de l’ensemble des énoncés déjà produits par le passé (et conservés par la mémoire). Telle est la loi de l’espèce.

Mais la Culture Occidentale est opposée à la réalité humaine. Comme les traités newtoniens, les constitutions et déclarations de droits sont censées ouvrir une nouvelle ère – qu’on n’ose pas encore appeler « post-humaine » : il faudra pour cela attendre la clôture du 3e Occident, Kojève, Schwab et Harari. Réellement indéfinie dans le temps chronologique comme la langue l’est dans l’espace logique, la parole, pour l’Occident, doit – à tous les sens du terme – avoir une fin. En d’autres termes, il faut que la langue [10] se dévête du caractère indéfini qui est normalement celui des phénomènes culturels (au sens de : structures transmises), pour revêtir la finitude qui est celle de la vie individuelle. D’où la fascination de tant de linguistes occidentaux [11] pour les « enfants sauvages », censés permettre une expérimentation (la chimère de la langue non-transmise) qui est l’équivalent linguistique du queer.
Or Hegel (ici dans la lecture qu’en donne Kojève) ne disait, finalement, pas autre chose :

au début, et tant que dure l’évolution historique, la vie collective du Peuple est toujours plus riche que la vie privée du Particulier-isolé qu’est le Philosophe. (…) Seul le Citoyen de l’Etat universel et homogène, où l’opposition du Particulier et de l’Universel est « supprimée »peut révéler la Totalité de la réalité humaine en ne révélant que soi-même. (…) c’est uniquement la Conscience-de-soi qui est vraiment révélatrice, car seul le Moi-personnel peut être révélé… » (p. 389)

Le processus ici décrit est celui du totalitarisme [12]. Mais ce qui rend cette description géniale est qu’elle fait aussi comprendre pourquoi la démocratie occidentale que peut que déboucher sur le totalitarisme. Le « Citoyen » dont il est ici question n’est pas une généralité abstraite, mais un être biologiquement unique : Hegel lui-même se rêvant « versant philosophique » de Napoléon, Staline lisant Marx tard le soir après une dure journée de tâches gouvernementales, Hitler lançant trop tôt l’Opération Barbarossa parce qu’il se sait malade et ne peut pas imaginer le Reich se construisant après lui, hors de son esprit. Et encore ces avatars modernes du Léviathan démocratique ont-ils eu le défaut (finalement fatal à leurs régimes) d’être, malgré tout, des humains, liés à un peuple donné [13]. Poussant finalement le raisonnement jusqu’à ses dernières conséquences, l’oligarchie qui se réunit à Davos rêve de cacher la réalité des oligoï derrière le rideau de fumée d’une gouvernance qu’on pourrait, à terme, confier à l’IA. D’où aussi l’étrange popularité du mythe de la « Singularité » : ce moment, bien entendu impossible, où le fonctionnement hypostasié d’un écheveau de circuits électroniques « prendrait conscience de soi ». C’est-à-dire accoucherait d’un Staline/Hitler qui aurait l’immense avantage de n’être né nulle part – sachant que, dans la doxa « antitotalitaire » de l’idéologie davosienne, tous les torts des totalitarismes du XXe siècle doivent être mis sur le compte de déficits d’universalité [14].

Cette mythique IA n’est bien entendu que la projection fantasmée, dans un futur hypothétique, de ce que la Culture Occidentale a d’ores et déjà tiré idéalement de l’humain, de son idéal humain : du « Citoyen de l’Etat universel et homogène », mais qui, entre-temps passé par le moment antitotalitaire de l’idéologie antifa, ne peut plus se permettre d’être l’allemand Hitler ou le soviétique Staline. Même ses prophètes se doivent de se présenter, comme Schwab et Malleret, en tandem « européen » (comprendre : mondial).

Le passage de Kojève cité ci-dessus nous livre, en effet, le programme de la modernité occidentale. Anti-culturelle, elle doit appauvrir, simplifier l’être collectif (la langue) : son irénisme et son universalisme ne sont pas des fins en soi [15], mais des moyens d’abolir le Peuple, dans la mesure où ce dernier, tant qu’il existe en tant que tel (et donc en-dehors de l’Etat « homogène et universel »), sera toujours forcément un peuple (parmi d’autres). Cette simplification « par le bas » [16] doit réduire le Peuple à ce que Kojève traduit par le « Moi-personnel », mais c’est ici qu’intervient le second élagage : « en ne révélant que soi-même ». L’individu intronisé, comme la société autour de lui saccagée pour son extraction, doit se dépouiller de tout ce qui, en lui, est transmis, partagé, transitif, notamment de l’âme [17], qui est présence en lui, au-delà du moi conscient, d’une transcendance, et de l’ancestralité, qui est présence de certains morts dans certains vivants. Napoléon, Hitler, Staline, trois athées militants, sont des « fils du Peuple » (ce qui leur sert avant tout à n’être le fils de personne), et n’ont pas de successeurs héréditaires [18]. Le « citoyen unique » du totalitarisme est un moine-soldat, qui soit (comme Staline, arriération orientale oblige) a une vie de famille totalement accessoire, sans lien aucun avec son règne, soit (comme Hitler) exhibe presque jusqu’au bout un célibat agrémenté de végétarisme non-fumeur.

C’est ce double mouvement qu’on retrouve dans le Janus bifrons de l’idéologie antifasciste qui a structuré la pensée des élites occidentales de l’après-guerre, avec son si brutal revirement de mars 2020 : de 1968 à 2020, en gros, on élague par le bas ; l’Occident est « libéral-libertaire » [19], parce qu’il faut « en finir avec la personnalité autoritaire » – comprendre : avec les restes de l’État non-homogène et/ou non-universel, c’est-à-dire avec les restes culturels du 2° Occident, enterrés en même temps que De Gaulle, Franco et Brejnev. En mars 2020, ce « libéralisme » devient soudain, en l’espace de quelques semaines, aussi coercitif que les totalitarismes imparfaits du XXe siècle l’avaient été avant lui, parce que, désormais, on élague par le haut : réduit à la dimension individuelle par le saccage culturel du Peuple, l’occidental (« l’humain ») doit désormais à titre individuel être autoritairement mis en garde contre la tentation de vouloir transmettre quoi que ce soit [20] ou de s’imaginer détenteur de/détenu par une âme (interdiction des funérailles, compostage des cadavres, avortement à neuf mois, etc.).

La faillite monétaire imminente qui, dans un ordre d’idées plus terre-à-terre, a probablement poussé l’oligarchie occidentale à ce brusque revirement n’est d’ailleurs, elle-même, qu’une conséquence de la même structure culturelle : présenté comme la finalité du Reset, le mythe de la « 4e Révolution industrielle » [21] est en réalité aussi, comme de droit, à la base du Reset, ou tout du moins de la faillite qui en a précipité l’adoption : la dévaluation de l’euro face aux monnaies des BRICS, mise sur le compte de pandémies imaginaires et de pseudo-guerres by proxy, c’est le retour du réel économique à la gueule d’une post-bourgeoisie occidentale qui, depuis des décennies, tout en se rêvant « virtualisée » et « augmentée » par Laurent Alexandre et autres charlatans, a continué à consommer toujours plus de biens manufacturés tangibles, tout en en produisant toujours moins elle-même, et en s’enfonçant dans la toile de l’usurier chinois. C’est donc, en dernier instance, le choc de l’idéal manichéen (« l’être de lumière ») et de la réalité (biologique) humaine (manger, copuler, chauffer et déplacer un corps pas si astral que ça) : le choc de l’Occident et de l’espèce, que l’oligarchie davosienne de fin 2019 a eu à gérer. Elle a choisi de le faire, de façon, certes, mensongère et manipulatrice, mais dans la droite ligne des principes qui, pour l’Occident, structurent la réalité et en constituent même [22] la seule réflexion imaginable : l’imago mundi occidentale.

Modeste Schwartz


Notes

[1] Gallimard, TEL, édition de 1947. Toutes les citations d’A. Kojève présentes dans cet article proviennent de ce volume.
[2] Celle du premier millénaire de l’ère chrétienne dans la taxinomie historique proposée par O. Spengler – qu’il appelle aussi souvent la « Culture Arabe » (quand bien même sa principale manifestation en Europe a été le christianisme (préoccidental)).
[3] C’est-à-dire l’idéologie et la structure sociale afférentes à l’un des nombreux types d’ordre de facto par lesquels se traduit la notion abstraite d’anarchie, prise ici au pied de la lettre comme « absence d’Etat », et non comme titre de telle ou telle utopie proposée par l’un ou l’autre des penseurs (généralement socialisants) qui ont placé ce mot sur leur étendard. Une telle mise en perspective en amènera naturellement certains – non sans quelque apparence de raison – à classer l’auteur des présentes réflexions dans la catégorie (au demeurant souvent utilisée comme un fourre-tout) des anarchistes de droite.
[4] Que, dans ce contexte, on pourrait aussi appeler démocratie chrétienne, ou plus exactement catholique.
[5] Qui quittent définitivement la scène au moment de décapitation du dernier roi christique au sens de « oint », c’est-à-dire le 21 janvier 1793.
[6] Ensemble nécessairement infini, quoique pas totalement aléatoire – c’est à cette précision que fait allusion l’expression d’« abstraction non-indéfinie » que j’emploie ici. En termes aristotéliciens, la langue est le versant « en puissance » d’une entéléchie.
[7] Comprise ici non pas comme le simple constat d’une transmission réussie de l’information, mais avant tout comme attitude active des locuteurs : comme effort consenti pour comprendre le dialecte du village voisin, accepté comme instanciation de « la même langue ». L’expérience de la linguistique de terrain fait en effet apparaître que cet effort/cette perception conditionnent largement la réussite de l’expérience, de façon relativement indépendante des divergences structurelles de facto observables entre deux dialectes.
[8] Concept qui a mauvaise presse dans la pensée « dissidente » française, dominée par un milieu catholique charriant les scories du discours ultramontain, et pour lequel l’école théologique d’Ockham est à la fois la source de l’hérésie luthérienne (affirmation assez juste) et celle des pensées (dé)constructivistes de la modernité tardive, elles-mêmes censées être la base philosophique du « mondialisme ». C’est ce dernier point que je conteste en bloc, affirmant bien au contraire que c’est la théologie catholique la plus classique (via la contre-réforme, le jésuitisme et l’hégélianisme) qui débouche sur la pensée d’Attali, Harari et autres Schwab. Pour ceux qui ont la manie des étiquettes, ce point de vue, que j’ai adopté dès YIN (dans le cadre d’une critique plus « sectorielle » du seul féminisme), pourrait être résumé sans trop de distorsions par l’expression « constructivisme de droite ».
[9] Il est vrai que Hegel méprisait la physique newtonienne (pas assez « dialectique » à son goût), ce qui a d’ailleurs considérablement ralenti la diffusion de son œuvre au XIXe siècle (l’opinion rationaliste lui pardonnant difficilement cette trahison « mystique ») ; mais c’est précisément en ce point que Kojève le commentateur, devenant Kojève le philosophe, se sépare de Hegel et le critique vertement (pp. 442-443), préférant pour sa part « parfaire » le système hégélien en rendant la plus absolue possible la divergence entre Nature (non-dialectique, donc « inhumaine ») et Histoire. Ce point éclaire aussi ma propre décision de partir, dans le présent texte et la série d’article dans lequel il s’insère) du commentaire kojévien (et non du texte original de Hegel), non seulement en raison de la qualité de sa traduction/commentaire francophone, mais aussi et surtout pour des raisons de contenu : quand bien même le Hegel d’avant Kojève aurait été moins cohérent, moins entier que celui que Kojève reconstitue pour renvoyer à la niche une fois pour toute les hégéliens de droite, quand bien même lesdits hégéliens de droite auraient, historiquement, en partie raison dans leurs interprétations, il est bien évident que la version de l’hégélianisme qui, roulant de génération en génération à travers le marxisme et jusqu’à Harari, a fini par fournir la base de l’idéologie davosienne est celle que Kojève dégage comme un diamant du minerai assez trouble de la Phénoménologie. Mes écrits n’étant pas des thèses d’histoire de la philosophie, et se donnant pour objet non pas le passé de la pensée occidentale, mais son présent, ce choix (du moment qu’il est explicite) ne saurait leur être reproché.
[10] Prise ici dans un sens très vaste, incluant, en l’occurrence, la parole : on va vite comprendre pourquoi.
[11] Jusque, notamment, au juif communiste Chomsky, que je considère comme le principal représentant de l’école théologico-philosophique réaliste, donc comme le plus grand catholique vivant de l’histoire de la linguistique. L’école à laquelle il s’oppose depuis le début de sa carrière (soit l’école, ou plutôt la constellation d’écoles dite « fonctionnaliste-cognitiviste » – la seule, soit dit en passant, à avoir produit des résultats scientifiques mesurables au cours de la seconde moitié du XXe siècle, à l’exclusion, notamment, de l’idéologie chomskyenne, qui n’a jamais rien produit d’autre que des oukases techniquement inutiles) peut, quant à elle, être considérée comme une application à la linguistique moderne des principes du nominalisme philosophique.
[12] Le texte de Kojève (admirateur déclaré de l’URSS stalinienne) regorge de citations encore plus explicites dans ce sens que celle que je viens de reproduire (et qui a plutôt l’avantage de la profondeur philosophique). Par exemple p.390 : « À la fin de l’Histoire, dans l’Etat universel et homogène, la vie collective ou « publique » (culturelle, sociale, politique) coïncide complètement avec la ‘vie personnelle’ qui cesse ainsi d’être purement ‘privée’. » Au passage, la suite de cette dernière citation explique aussi pourquoi tout totalitarisme est nécessairement athée : « Du coup, le surplus qui pourrait être révélé par une Théologie n’existe plus : le Religieux n’a donc plus de raison d’être et c’est pourquoi il disparaît. »
[13] Quand bien même ce « peuple donné » serait la chimère connue sous le nom de « peuple soviétique » : Janus bifrons (entre interprétation bolchévique et interprétation eurasiste de l’histoire soviétique), cas-limite qui relève du caractère essentiellement hybride de la réalité culturelle russe.
[14] Selon le principe de base des empoisonneurs en général et des progressistes en particulier : quand ça a l’air de ne pas fonctionner, c’est qu’il faut augmenter les doses.
[15] Comme pour la Culture Magique, qui devait faire parvenir la bonne nouvelle de l’âme jusqu’aux tréfonds les plus obscurs du shamanisme.
[16] Réalisée, notons-le bien au moyen du jusnaturalisme rousseauiste, d’essence catholique, et de l’utilitarisme protestant et jésuite qui en découle.
[17] Cette dernière étant la base véritable de la Culture Magique qui a précédé l’Occident en Europe, et qui, hors d’Europe, a philosophiquement culminé dans cette vaste ode à l’âme qu’est le Coran, objet de détestation constante et méritée de tous les occidentalistes les plus conséquents.
[18] Physiquement, Staline avait un fils, Yakov, qui aurait pu faire un successeur – idée dont on mesure l’étrangeté au logiciel bolchévique quand on apprend que Staline l’a laissé non seulement partir à la guerre comme simple pilote, mais même mourir dans un camp de prisonniers allemand, en refusant les propositions allemandes de l’échanger contre des prisonniers allemands plus haut gradés.
[19] Alors même – notons-le bien – que rien ne lui est plus étranger que l’idée d’anarchie : les idéologues occidentaux qui se présentent comme des « anarchistes » sont en général, en réalité, des socialistes encore plus radicaux que les « autoritaires » dans leur programme (certes, irréalisable) de réforme de l’humain (par, notamment, le féminisme le plus radical).
[20] Que ce soit la propriété privée (« Vous ne posséderez rien et vous serez heureux »), ou même simplement la vie – la conception (surtout naturelle, donc hétérosexuelle) étant en voie de criminalisation, du fait des oukases d’un malthusianisme d’Etat à la fois rose (queer) et vert (Greta Thunberg).
[21] C’est-à-dire, pour l’essentiel, le récit lunaire d’une société utopique qui ne produirait pratiquement plus rien de tangible (rien de polluant, donc), et parviendrait malgré tout à se perpétuer dans l’être (probablement par la magie du « nano », du « complexe » et autres mantras davosiens) ; il va de soi qu’une telle société humaine n’a jamais existé et n’existera jamais, mais l’illusion de son début a pu, à partir de la rencontre Nixon-Mao-Kissinger, être créée l’espace d’une quarantaine d’année, par le procédé de prestidigitation (largement monétaire) consistant à exporter tout le négatif de la modernité occidentale (« l’économie carbone ») en Chine et autres « économies émergentes », et à importer de là vers un Occident verdi tout le positif de la modernité occidentale – à crédit… C’est à ce numéro de prestidigitation (qui a notamment, en Occident, servi à un énorme transfert de propriété de la production vers la finance) que le Great Reset a pour vocation réelle de mettre fin (contraint et forcé par l’usurier chinois, si étroitement imbriqué aux structures davosiennes qu’on peut même se demander qui, du WEF et du Parti Communiste chinois, contrôle ou manipule l’autre).
[22] Du moins jusqu’à la publication de Køvíd, qui est en ce sens, comme la Phénoménologie de l’Esprit en son temps, un texte stricto sensu épocal, non pas par la quantité ou la qualité de l’information qu’il convoie, ni par l’excellence du style, ni probablement par l’impact à court terme qu’on peut en espérer, mais simplement parce que, en articulant pour la première fois l’inexprimé radical des changements paradigmatiques en cours dans l’immanence sociale (dans le cas de Hegel : du passage du « 2e Occident » au « 3e Occident »), il ouvre une dimension nouvelle à la conscience historique, dès lors capable de se situer, de s’orienter dans sa propre immanence.

Articles initialement publié sur Égalité & Réconciliation

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