Lucien Cerise dans Dystopia : « Comment faire échouer le Great Reset ? »

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Pour son numéro inaugural, Dystopia invite Lucien Cerise et lui pose une question : « Comment faire échouer l’utopie oligarchique du Great Reset ? »


Lucien Cerise :
bonne question, car elle est pratique. En temps de guerre, les questions les plus importantes sont méthodologiques. L’art militaire est un art d’exécution, avec ses deux aspects stratégiques et tactiques, le long terme et le court terme. Les questions théoriques, idéologiques, éthiques doivent être réservées aux périodes de paix.

Quand on est déjà engagé dans le conflit, tout doit être subordonné à une seule priorité : comment gagner le rapport de forces ?
L’ennemi considère aujourd’hui que tous les coups sont permis. Tous les coups sont permis signifie que la ruse est permise pour camoufler que tous les coups sont permis. C’est pourquoi l’ennemi avance derrière un paravent institutionnel bureaucratique et technocratique qui lui confère une apparence de légitimité et de légalité.

Il faut donc se placer à ce niveau également et ne pas hésiter à utiliser la ruse pour soutenir le rapport de forces à armes égales dans ce champ institutionnel.
Le pouvoir nous ment, il faut donc mentir au pouvoir, mais dissimuler le mensonge. Il faut changer de paradigme : l’objectif de la politique n’est pas de respecter des valeurs mais de gagner un rapport de forces.
Gagner coûte que coûte, car il est absurde de croire qu’on pourra respecter des valeurs si l’on est mort. Pour parodier Charles Péguy sur la morale kantienne : « La vertu a de belles mains, mais elle n’a pas de mains ». Aucune morale, aucune éthique ne doivent nous inhiber pour gagner le rapport de forces.

Nous devons être par-delà le Bien et le Mal, pour reprendre la formule nietzschéenne. Comment ? Nous devons évaluer notre action à l’aune de sa valeur concrète et pratique pour battre l’ennemi, et c’est tout.
Pour y parvenir, la définition précise de qui est l’ennemi est secondaire. Pourquoi ? Parce que l’on peut très bien avoir cerné qui est l’ennemi, ou qui sont les ennemis, car il y en a toujours plusieurs, mais se tromper sur la nature du champ de bataille. C’est d’ailleurs une stratégie de diversion de l’ennemi, de nous égarer sur un faux champ de bataille, ce qui nous conduira à tirer dans le vide, même si l’on a compris qui est l’ennemi.

Par contre, si l’on définit précisément le champ de bataille, tous les coups porteront, directement ou indirectement, car l’environnement est approprié, le contexte est le bon.
L’ennemi utilise les institutions, la bureaucratie et la technocratie comme champ de bataille pour se camoufler, c’est donc là qu’il faut lui répondre.
Pour optimiser encore la valeur pratique de la question, on peut la reformuler ainsi : « Que puis-je faire concrètement pour faire échouer le Great Reset sur le champ de bataille des institutions ? » En effet, si je surestime mes forces et que je me donne des objectifs qui sont au-delà de ce que je peux faire concrètement, je suis moi aussi dans l’utopie.

On ne fait pas ce que l’on veut, on fait ce que l’on peut. À cette question, c’est à chacun de répondre en fonction de ses moyens concrets. En tout cas, pour ce qui me concerne, et sachant que mes moyens sont limités, je sais ce que je peux faire, donc ce que je dois faire.

Dystopia n°1, 8 janvier 2022 (« Un monde gagné par la technique est perdu pour la liberté », George Bernanos).
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