En guise d’introduction, quelques mots de Lucien Cerise :
La rédaction de cet entretien s’est étalée sur plusieurs mois, entre février et septembre 2024. J’avais tout d’abord envoyé un projet d’article à
Yurie Roșca et
Edward Slavsquat, projet qui est devenu finalement une
« Lettre ouverte à Yurie Roșca et Edward Slavsquat ». (1) Le second m’avait alors envoyé une série de questions pour développer dans un dialogue critique les arguments que j’exposais dans cette lettre en février. J’ai répondu le plus rapidement possible à ce premier entretien. En mars 2024, Edward Slavsquat m’a envoyé une deuxième série de questions à intégrer dans l’entretien en les entrelaçant aux premières questions. Les aléas de la vie ont fait que je n’ai pas pu finaliser cette nouvelle version de l’entretien avant le mois de septembre. Je n’ai pas reproduit toutes les questions de la deuxième série envoyée par Edward Slavsquat en mars, dont certaines étaient fort longues, soit parce que j’y ai répondu en retouchant mes réponses de la première version de février, soit parce que je n’y ai pas répondu du tout, car il fallait bien mettre un point final à cet entretien-fleuve. En raison de la complexité et de la durée du processus d’écriture, deux versions légèrement différentes de l’entretien sont aujourd’hui disponibles. Edward Slavsquat a publié sur son blog sa version finale de l’entretien en anglais. (2) Je livre ci-dessous aux lecteurs ma version finale de l’entretien en français.
(1) « Lettre ouverte à Yurie Roșca et Edward Slavsquat »
(2) « "At least Putin knows masks are useless" A conversation with Lucien Cerise »
© Sputnik / Dmitry Astakhov
1) Edward Slavsquat : Commençons par votre affirmation selon laquelle je fais de « l’ingénierie sociale » en créant de la « méfiance à l’égard de Poutine et de la Russie ». Je ne peux pas parler pour l’autre monsieur que vous avez accusé – peut-être voudra-t-il répondre séparément – mais je vais expliquer brièvement ma méthodologie pour « diffuser des informations sur la Russie » : je lis les médias et les commentaires en langue russe (toute la gamme, des sites orthodoxes de droite comme Third Rome à RIA Novosti en passant par les chaînes Telegram néo-soviétiques) et j’identifie les sujets ou les histoires que je trouve personnellement très pertinents mais qui, pour des raisons mystérieuses, reçoivent rarement l’attention qu’ils méritent dans les médias alternatifs occidentaux.
Lucien Cerise : Tout d’abord, je voudrais vous remercier pour votre travail, qui est toujours très bien informé et permet de faire avancer la réflexion. Je pense néanmoins que vous tombez souvent dans des biais et des erreurs de raisonnement, qui peuvent être volontaires et stratégiques ou non, cela n’a aucune importance sur le fond. Par exemple, sur les médias alternatifs occidentaux : ils sont déjà très occupés à corriger la propagande et la censure des médias mondialistes occidentaux, c’est un travail à temps complet, et ils manquent de disponibilité pour s’attaquer aux médias russes en plus. Vous vivez en Russie et vous ne subissez pas un lavage de cerveau sur tous les sujets 24h/24. Vous avez donc le luxe de pouvoir critiquer les médias russes, ou la politique russe, et vous avez beaucoup de chance, comme tous ceux qui vivent en dehors de l’Union Européenne et de la zone OTAN.
Ensuite, vous avez tout à fait raison de poser la question des sources. De mon côté, je ne m’appuie pas seulement sur les médias de masse ou les médias alternatifs, mais aussi sur des témoignages et sur ma propre perception de terrain. Je connais des gens qui circulent entre la France et la Russie, et j’ai voyagé moi-même en Russie deux fois : à Moscou et Saint-Pétersbourg en 2023, et entre Melitopol et la Crimée comme observateur des élections présidentielles en 2024. Sur le chapitre de la dictature sanitaire : j’ai constaté au printemps 2023 l’abrogation de toutes les mesures sanitaires en Russie pour la population générale. J’ai vu un seul espace de vaccination, une sorte de boutique dans le grand magasin Goum, mais totalement vide, aucun personnel médical, ni aucun patient, alors qu’en France, au même moment, nous subissions encore une pression psychologique quotidienne pour nous faire vacciner et porter le masque, avec des annonces et des publicités dans la rue, les médias, les pharmacies, les transports en commun.
Ma question est : pourquoi essayez-vous de faire croire que la Russie et les BRICS sont engagés autant, sinon plus, que l’Occident dans le mondialisme ? Si vous voulez savoir ce qu’est le mondialisme, venez en Occident, surtout en France, qui en est l’incarnation à l’état chimiquement pur, voir les cérémonies d’ouverture et de fermeture des jeux olympiques 2024. La Russie n’est qu’une pâle copie de l’Occident sur les questions sanitaires et technologiques, et elle s’attaque frontalement au mondialisme dans les autres domaines. Or, vous travaillez à créer l’illusion qu’il n’y a pas de différence entre la Russie et l’Occident collectif (selon l’expression russe pour désigner essentiellement l’Europe et l’Amérique du nord). Quand on regarde la réalité, il est évident que vous créez une fausse image de la Russie, en utilisant des principes d’ingénierie sociale qui sont également connus sous le nom de management des perceptions et gestion de la réputation, pour créer de la méfiance, ou au moins de l’indifférence, c’est-à-dire un détachement émotionnel, à l’égard de la Russie dans le segment de population ciblé, à savoir ses sympathisants occidentaux.
Comment faites-vous ? Vous ne parlez que des trains qui arrivent en retard, jamais de ceux qui arrivent à l’heure, toujours la bouteille à moitié vide, sans mentionner l’autre moitié. Il y a des problèmes en Russie, personne ne le conteste, car rien n’est parfait, et ce que vous rapportez n’est pas toujours faux du point de vue factuel, mais c’est toujours sélectif, et autrement dit, vous mentez par omission, ou en inversant le tout et la partie. Vous réalisez des montages d’informations vraisemblables, mais qui finissent par devenir de la désinformation. Votre style moqueur et sarcastique est déplacé d’un point de vue scientifique, mais vous êtes plus dans la littérature et le pamphlet, vous cherchez à influencer les émotions du lecteur dans un sens anti-russe, et non pas à lui donner des informations objectives pour qu’il se forme une opinion indépendante. Par exemple, dans un texte de 2024, vous écrivez : « Fermez les yeux et imaginez que vous êtes German Gref. Soudain, comme par magie, vous êtes devenu très chic : vous êtes le PDG de la plus grande banque russe [SberBank], un ancien membre du conseil d’administration du Forum Économique Mondial et l’auteur de la préface de l’édition russe de "La quatrième révolution industrielle" de Klaus Schwab. Vous avez joué avec Tony Blair au Cyber Polygon 2020 et vous avez "participé à la création" de Sputnik V. Vous avez également été l’une des premières personnes au monde à recevoir une injection de purin génétique russe sûr et efficace, des mois avant qu’il ne soit approuvé par le ministère russe de la Santé – c’est du moins ce que vous prétendez. » (3)
Cet extrait est à l’image de votre travail en général : il donne l’illusion d’une relation fusionnelle entre la Russie et les mondialistes du Forum Économique Mondial. Dans le monde réel, et non pas dans votre reconstruction, la Russie et la SberBank ont été virées du Forum Économique Mondial et du Cyber Polygon en 2022. Pourquoi insistez-vous autant, encore aujourd’hui, pour créer la fiction d’une complicité entre le pouvoir russe et les mondialistes occidentaux ?
(3) « SberCity seems nice »
2) Edward Slavsquat : Je ne vois pas très bien ce que vous essayez de faire valoir. Je ne peux pas écrire sur les évolutions et tendances mondiales inquiétantes qui se produisent également en Russie, parce que, selon vous, ces tendances sont plus répandues en France ? Dans cette logique, vous ne devriez pas vous plaindre des confinements (Melbourne, en Australie, a subi le confinement le plus long) ou des CBDC (plusieurs pays, dont la Chine et la Russie, sont bien plus avancés que l’UE en matière d’émission de monnaies numériques par les banques centrales). La Russie ne dispose pas d’une base de données accessible au public permettant de signaler et de visualiser les complications post-vaccinales. Cela signifie-t-il que les Américains ne devraient pas être autorisés à se plaindre du manque de sécurité et de surveillance en matière de vaccins ? Après tout, les États-Unis disposent du VAERS, qui est loin d’être idéal, mais qui est mieux que rien. Personnellement, je n’aime pas cette façon de penser. Je ne la trouve pas très constructive. Mais ce n’est que mon avis.
Lucien Cerise : J’essaye de faire valoir qu’il faut distinguer plusieurs sujets, notamment le mondialisme, le Great Reset, le transhumanisme et Big Pharma, qui n’obéissent pas aux mêmes causalités. En mars 2020, le gouvernement russe est tombé dans le piège tendu par cette branche du capitalisme qui s’appelle l’industrie pharmaceutique, qui génère des revenus colossaux et qui pèse de tout son poids en Russie depuis son ouverture à l’économie de marché dans les années 1990. Si l’on additionne la corruption, les conflits d’intérêts, la sociopathie du pouvoir et la naïveté sincère de certains dirigeants conformistes, on obtient le cocktail qui explique que tout le monde, ou presque, se soit plié à l’OMS, en Russie, comme ailleurs. En outre, il existe une inertie institutionnelle et administrative qui oblige à prendre certaines mesures quand on risque d’être traité d’irresponsable si on ne les prend pas. Dans l’hémisphère nord, il n’y a que la Biélorussie et la Suède qui ont pris ce risque en 2020. Si vous étiez au pouvoir, à la tête d’un État développé comme la Russie, je suis prêt à parier que vous auriez appliqué le « principe de précaution » et toutes les mesures de dictature sanitaire pour ne pas risquer d’être accusé de mettre en danger la santé de vos citoyens. La soumission relative du pouvoir russe à l’OMS, bien qu’inférieure à de nombreux pays occidentaux, est inquiétante, je le concède, mais elle ne fait pas pour autant de la Russie un membre actif du mondialisme, qui est encore autre chose, un projet essentiellement anglo-américain porté par l’OTAN et l’UE, avec une forte complicité israélienne et islamiste, et qui s’incarne aujourd’hui dans la guerre et le terrorisme pour faire avancer l’agenda woke et LGBT. La Russie est engagée dans une lutte à mort contre ce projet mondialiste sur les champs de bataille de la Syrie et de l’Ukraine. Quant au transhumanisme, c’est une fatalité historique, au sens où tout le monde est responsable de la progression des sciences et des techniques, puisque nous les utilisons intensément dès qu’elles apparaissent. Vous écrivez que la Russie est complice du Great Reset. Tout individu qui utilise un ordinateur ou un Smartphone est complice du Great Reset. Cela vaut pour vous et moi. Nous validons chaque nouvelle technologie en l’appliquant, nous l’enracinons dans les comportements et les habitudes, donc dans le réel, avec les risques que cela suppose. Ce ne sont pas les banques qui développent les CBDC, ce sont les individus qui payent en carte au lieu de payer en espèces. Les avantages concurrentiels et le confort apportés par l’augmentation technologique du corps humain flattent notre volonté de puissance et, parfois, notre paresse, interdisant tout retour en arrière volontaire. Il faut attendre l’accident, la panne, le bug, les problèmes et les dysfonctionnements, pour commencer à réfléchir de manière critique sur les inconvénients de la techno-science et infléchir les politiques humaines technophiles. Spontanément, on ne voit que les avantages.
3) Edward Slavsquat : Vos attaques contre moi – comme menteur par omission, etc. – sont ennuyeusement vagues. Vous ne donnez qu’un seul exemple de malversation. Apparemment, j’ai écrit un billet de blog sarcastique qui donne « l’illusion d’une relation fusionnelle entre la Russie et les mondialistes du Forum Économique Mondial ». Je ne vois pas comment vous pouvez nier que German Gref (ancien membre du conseil d’administration du WEF et auteur de la préface de l’édition en langue russe de "La quatrième révolution industrielle" de Klaus Schwab) continue à défendre un programme identique à celui qu’ils promeuvent à Davos. J’ai écrit un article entier pour souligner comment, malgré le fait que Moscou ait été exilée de Davos, Gref et d’autres hauts fonctionnaires, qui avaient autrefois des liens très étroits avec le WEF, ont continué à poursuivre les politiques approuvées par Davos. (4)
Lucien Cerise : Merci de confirmer que les politiques menées en Russie ne sont pas approuvées par Davos. Si German Gref défend un programme identique à celui de Davos tout en étant exclu de Davos, c’est bien la preuve que ce programme ne vient pas de Davos mais qu’il est universel. Tout le monde va en passer par là – l’Intelligence Artificielle, les Smart Cities, le paiement sans contact, les codes QR – parce que tout le monde veut en passer par là, vous aussi. Davos ne fait que mettre en mots un processus général, appliqué aussi par ceux qui critiquent Davos. De fait, le monde entier applique ce programme de transformation numérique de la société parce que le monde entier obéit aux déterminismes de la technologie numérique. La transformation numérique du monde est théorisée explicitement par Klaus Schwab, mais elle n’a pas besoin de Klaus Schwab pour exister et se déployer sur toute la surface de la Terre.
La quatrième révolution industrielle n’est ni un projet, ni un complot, c’est un phénomène objectif et historique que l’épistémologie (l’histoire des sciences) appelle un « paradigme », et nous y participons tous avec nos ordinateurs, nos blogs, nos messageries, nos téléphones portables, Smartphones et iPhones, etc. Notre paradigme actuel est souvent résumé par l’acronyme NBIC, pour nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives. Dans un paradigme techno-scientifique, vous pouvez à titre individuel refuser d’utiliser une nouvelle technologie, mais vous ne pouvez pas empêcher son existence, et elle sera donc utilisée par les autres, de toute façon. Depuis que l’Homo Sapiens a domestiqué le feu, l’espèce humaine est engagée dans une fuite en avant technologique impossible à arrêter. L’humain maîtrise l’électricité au 19è siècle, puis invente la voiture, les avions, et l’informatique. Aujourd’hui, il y a partout l’électricité, les voitures et les avions, et personne ne veut, ni ne peut, remettre cela en question. C’est pareil pour l’informatique et l’IA, qui sont aujourd’hui ubiquitaires et nous encadrent complètement, comme si nous étions de simples objets connectés. Cette artificialisation du monde est irréversible, car cela arrange la majorité des gens.
Dans un article, vous avez écrit : « Vous serez traçable et vous aimerez ça. Le monde multipolaire sera le monde le plus pratique de l’histoire du monde. » (You will be tagged and you will love it. The multipolar world will be the most convenient world in world history.) Vous avez parfaitement raison mais il semble que vous n’ayez pas encore compris que vous êtes déjà étiqueté, identifié et traçé. Pas besoin du monde multipolaire pour ça, c’est déjà fait avec la reconnaissance faciale de la web-cam de votre ordinateur personnel et le GPS de votre téléphone portable. Bienvenue dans la dictature la plus commode de l’Histoire, ce que vous appelez aussi le goulag numérique, qui a commencé avec l’avènement de l’ordinateur personnel (Personnal Computer) dans les années 1980, et qui se prolonge avec l’Internet pour tous dans les années 1990, puis le téléphone portable dans les années 2000. C’est pour des raisons pratiques que les masses deviennent technophiles et consentent à la dictature numérique.
La seule raison pour laquelle nous échapperons finalement à la dictature numérique totale et au Great Reset vient d’une loi de la physique : le second principe de la thermodynamique, c’est-à-dire l’altération temporelle de toutes les formes, vivantes et non vivantes, jusqu’à la perte d’information et de structure, donc la mort, ce que l’on appelle aussi l’entropie. Le Great Reset et le transhumanisme sont des fantasmes de négation infinie de l’entropie, donc de néguentropie infinie, des fantasmes d’immortalité, comme de croire en une divinité. Les chercheurs en informatique ont montré que l’Intelligence Artificielle n’échappe pas à l’entropie, soit la dégradation inévitable de l’information au fil du temps, ce que ces chercheurs appellent dans leur jargon l’effondrement des modèles, synonyme pour les IA de vieillissement, puis de sénilité, et de décès. (5)
(4) « Resetting Without Schwab: Russia & the Fourth Industrial Revolution »
(5) « L’effondrement des modèles d’IA : l’avenir de la technologie »
4) Edward Slavsquat : Je ne vois pas comment vous pouvez m’accuser de mentir par omission alors que je soulève ce fait – que Moscou continue de mener des politiques étroitement alignées sur l’agenda de Davos, même si la Russie a été exclue du WEF – chaque fois que le sujet est abordé. J’ai même écrit un billet de blog avec le sous-titre suivant : « Le divorce de Davos avec la Russie ». (6)
Lucien Cerise : La Russie ayant été exclue du Forum de Davos, on ne peut plus dire que les politiques russes sont étroitement alignées sur l’agenda de Davos. C’est purement logique. Si les politiques et les agendas se ressemblent encore, c’est parce qu’ils obéissent à un déterminisme commun, auquel tout le monde obéit. Les politiques russes et l’agenda de Davos, et le monde entier – vous aussi – obéissent tous à la recherche scientifique et au progrès technique, qui avancent de manière décentralisée, sous l’impulsion de la compétition internationale, mais aussi de façon convergente, car les résultats sont forcément les mêmes, les lois de la physique étant universelles, ce qui induit un processus d’uniformisation du monde. C’est ce qui vous donne l’impression d’un alignement des politiques russes sur Davos. C’est une illusion d’optique. Tout le monde est aligné sur Davos, ou plus exactement, aligné sur ce dont parle Davos, mais qui ne lui appartient pas, à savoir le progrès technique. Et ces politiques et agendas technophiles concurrentiels et convergents sont validés par les populations, toujours en demande de confort matériel. Qui peut se passer d’un ordinateur ou d’un Smartphone aujourd’hui ? C’est la condition pour suivre le rythme de l’information, et pour exister au milieu des autres. Tout le monde fait la même chose en essayant d’exister dans un monde concurrentiel, dans un mouvement de rivalité mimétique où l’on ressemble finalement de plus en plus à l’adversaire. Conflictualité croissante, mais aussi interdépendance croissante : telle est la loi de notre monde interconnecté.
(6) « Putin & COVID: What changed after February 24? Did the special military operation in Ukraine "end" the "pandemic" in Russia? »
5) Edward Slavsquat : Quant à encourager les lecteurs à se forger une « opinion indépendante », je les supplie constamment de suivre les médias russes et d’arrêter de se fier aux « experts » occidentaux. J’ai rédigé deux guides pour aider les gens à démarrer. (7) Je suis juste un homme avec un blog qui écrit sur des sujets qui me préoccupent (étiquettes pour le bétail, tirs de coagulation, guerres sans fin qui éliminent les paysans tout en enrichissant les oligarques, etc., etc.). Je vis également en Russie, donc naturellement le blog aborde ces questions telles que je les vois en Russie. Si je vivais dans l’Idaho, mon blog s’appellerait Johnny Potatopants, et il traiterait des mêmes questions, mais dans l’Idaho. J’aimerais profiter de cette occasion pour exprimer ma solidarité avec tous les activistes qui luttent contre les étiquettes de bétail dans ce bel État.
Lucien Cerise : Oui, il faut se forger une opinion indépendante. Et pour cela, nous pouvons contourner les médias de masse et réinformer la population sur des blogs informatiques, donc en utilisant les outils de la transformation numérique et du Great Reset. Dans son petit livre de 2020, Klaus Schwab annonce le développement du travail à domicile. Tout se développe à domicile. En effet, grâce à Internet et à la quatrième révolution industrielle, vous avez accès à des centaines de médias indépendants ou alternatifs à la maison. Vous n’avez plus besoin de sortir de chez vous, l’information vient dans votre appartement. Le risque est de travailler seulement sur écran et d’oublier le monde réel. J’observe ce phénomène en France, où des individus qui prétendent être indépendants des médias de masse se mettent à fonctionner comme eux, c’est-à-dire en reconstruisant la réalité sur la base de ce qu’ils trouvent sur Internet. Ils n’éprouvent plus le besoin d’examiner l’objet réel pour en parler. Les impressions personnelles et subjectives données par l’écran suffisent. Comme ils ne sont plus dérangés par l’objet réel, qui pose toujours des limites à la subjectivité, ils peuvent donner libre cours à leurs biais de confirmation personnels. C’est le mécanisme de l’hallucination et de la psychose, engendré cette fois par les technologies du virtuel. J’ai écrit un article sur ce sujet, en prenant des exemples tirés de l’actualité, notamment des commentaires français sur la Worldwide Freedom Initiative. (8)
(7) « Russia according to Russians: A guide »
(8) « Stop à la psychose Internet ! »
6) Edward Slavsquat : Je suis vraiment désolé que vous pensiez que je fais de l’ingénierie sociale en partageant ce que les Russes disent sur la Russie, sur des sujets qui sont d’une importance et d’une préoccupation mondiales. La bonne nouvelle, c’est qu’il s’agit d’un petit blog, et je suis certain qu’il n’a pas influencé plus de quelques milliers de personnes, au maximum.
Lucien Cerise : Votre « petit blog sans influence » est un objet entièrement informatique et doit la possibilité de son existence matérielle à la quatrième révolution industrielle numérique. Ne crachons pas dans la soupe que nous sommes en train de manger. En effet, grâce à ce blog informatique, vous partagez une partie de ce que les Russes disent sur la Russie. C’est la partie critique du tout-technologique et de la transformation numérique, et vous avez raison de la soutenir car il faut conserver un esprit critique sur ces sujets, même si nous en sommes tous acteurs et simultanément prisonniers. Cependant, il y a aussi une autre partie des Russes qui ne voit aucun problème à l’informatisation de la société et aux Smart Cities. J’étais observateur international pendant l’élection présidentielle russe de 2024. Nous avons circulé dans des régions anciennement ukrainiennes et encore très pauvres, dans les oblasts de Zaporojié, Kherson et en Crimée. Dans ces régions, la population se félicite d’être rattachée à la Russie car cela signifie l’arrivée du progrès technique et de la modernité. Quand on connaît l’esprit russe, et plus largement l’esprit des Slaves, surtout biélorusses, ukrainiens et polonais, on sait qu’ils ont un gros complexe d’infériorité par rapport aux Occidentaux sur la question du développement économique et technologique, voire intellectuel. Ce complexe d’infériorité commence à s’exprimer dans le champ institutionnel à la fin du 17è siècle avec Pierre le Grand quand il décide de moderniser la Russie en suivant un modèle européen, ce qui aboutira notamment à fonder une nouvelle capitale russe en 1704 : Saint-Pétersbourg. Au 19è siècle, ce complexe dominant-dominé sera théorisé par le courant de pensée « occidentaliste », animé par des Russes affirmant eux-mêmes l’arriération de la Russie par rapport à l’Occident. Cette course des Russes derrière les Occidentaux pour rattraper leur retard de développement semble ne s’être jamais arrêtée, et l’Occident collectif se charge de rappeler aux Slaves son propre complexe de supériorité en parlant toujours des pays de l’Est avec un mépris condescendant. C’est l’une des principales raisons de la technophilie en Russie.
7) Edward Slavsquat : En fait, les médias alternatifs font parfois des affirmations sur la Russie qui sont à l’opposé de la réalité observable. Par exemple, les médias alternatifs occidentaux ont carrément menti au sujet de la vaccination obligatoire contre la Covid en Russie, ou ont tout simplement refusé de couvrir cette question. En réponse, j’ai souligné (en citant des sources russes, notamment des décrets officiels, des informations publiées sur des sites web gouvernementaux et des médias d’État) que la Russie avait effectivement adopté des politiques d’injection coercitives, et que ces politiques étaient soutenues et encouragées au plus haut niveau du gouvernement.
Lucien Cerise : Je n’ai pas du tout cette perception des choses. Les médias alternatifs occidentaux sympathisants de la Russie, notamment en France, ont avoué leur déception de voir la Russie suivre avec un tel conformisme la dictature sanitaire.
8) Edward Slavsquat : Je suis heureux d’apprendre que les médias indépendants français ont critiqué l’adoption par Moscou des codes QR, de la vaccination obligatoire, des décrets sur les masques, de la limitation ou de la suspension des soins médicaux de routine et d’autres politiques destructrices de la santé promues par l’OMS et le FMI (qui, étrangement, a prédit l’adoption massive de décrets sur la vaccination obligatoire en Russie après les élections à la Douma d’État à l’automne 2021. (9) Malheureusement, ces réalités ont été soit déformées, soit totalement ignorées dans les médias alternatifs de langue anglaise. Un exemple notable est celui du blogueur populaire The Saker, qui a insisté sur le fait que la Russie n’avait aucune forme de vaccination obligatoire. Vous pouvez lire ici un échange que j’ai eu avec lui, dans lequel il nie la réalité observable. (10)
Lucien Cerise : Les médias indépendants français qui ont parlé intelligemment de la dictature sanitaire en Russie sont rédigés par des Français vivant en Russie, comme Xavier Moreau, Alexandre Latsa ou Karine Bechet-Golovko, que vous connaissez. Ces médias français ont été très critiques de la dictature sanitaire en Russie, mais savent aussi nuancer leurs propos. Cependant, je sais de source sûre que l’application des mesures sanitaires a été moins dure en Russie qu’en France. J’ai eu plusieurs témoignages de Français ou de Russes qui ont voyagé entre Paris et Moscou entre 2020 et 2022 et qui m’ont attesté que c’était vraiment très différent, que ce soit grâce à la résistance populaire, ou parce que le gouvernement russe ne croyait pas vraiment la propagande de l’OMS. Poutine lui-même n’a jamais porté le masque.
(9) « В МВФ считают вероятным проведение обязательной вакцинации в России в октябре-ноябре » (Le FMI estime qu'il est probable que la vaccination obligatoire aura lieu en Russie en octobre-novembre)
(10) « Pandemic: Political and economic consequences underneath a false flagged health banner »
9) Edward Slavsquat : M. Poutine n’a jamais porté de masque, mais il a publiquement soutenu la création d’un passeport « santé » à code QR à l’échelle nationale. Le 17 décembre 2021, il a déclaré qu’il soutenait la création de passeports vaccinaux à l’échelle nationale, « en tenant compte à la fois des motivations morales et des devoirs de ma fonction ». (11) Heureusement, l’initiative a été si impopulaire que la Douma d’État l’a abandonnée. Je ne suis pas d’accord avec votre idée que Poutine était sceptique à l’égard des politiques de l’OMS, et l’examen de ses déclarations et de ses actions pendant la « pandémie » ne confirme pas l’idée qu’il s’efforçait de mettre un terme à la vaccination obligatoire ou à d’autres politiques de « santé publique ». (12) Même aujourd’hui, en 2024, les gens doivent passer des tests PCR s’ils veulent obtenir une audience avec Poutine. Cette politique a même été confirmée par le Kremlin. (13)
Lucien Cerise : Au moins, Poutine sait que les masques ne servent à rien. C’est un point gagné malgré tout. Ensuite, je sais aussi que des tests PCR sont demandés à l’entrée des forums économiques de Saint-Pétersbourg et de Vladivostok. Les gens de pouvoir sont souvent hypocondriaques, parfois jusqu’à la folie, et ne veulent prendre aucun risque pour leur santé, en Russie comme ailleurs. Sans croire à l’efficacité des masques, il se peut que Poutine ait vraiment peur de tomber malade du coronavirus. Après tout, il a déjà 71 ans. Il souhaite rester totalement disponible et actif pour son pays le plus longtemps possible, ce qui oblige à une hygiène de vie et à des précautions prophylactiques pour éviter de tomber malade, en général, et non seulement de la Covid-19. Et imaginez la satisfaction du pouvoir politico-médiatique en Occident si Poutine se retrouvait à l’hôpital pour cause de Covid-19. La propagande de guerre anti-russe, après avoir inventé que Poutine avait le cancer ou une jambe de bois, deviendrait complètement hystérique, et surtout folle de joie. Le Kremlin essaye de ne pas accorder ce plaisir à l’ennemi, surtout en période de guerre, et il veille à donner une bonne image, qui serait abimée si Poutine tombait malade du Sars-cov-2, et ce n’est pas le moment. En outre, parmi les responsables politiques, Vladimir Poutine lui-même s’est opposé publiquement à la vaccination obligatoire, qu’il a jugée « inappropriée et impossible » (нецелесообразно и нельзя), de même que la commissaire aux Droits de l’Homme de Russie, Tatiania Moskalkova. (14) Et de même que Sergueï Lavrov, qui s’est opposé également au passeport sanitaire. (15)
(11) « Путин потребовал доработать законопроект о QR-кодах для общественных мест » (Poutine a demandé la finalisation du projet de loi sur les codes QR pour les lieux publics)
(12) « Putin & compulsory vaccination » : « “In my opinion, it is counterproductive and impossible to introduce mandatory vaccination,” Putin said on May 26, 2021. »
(13) « На "Уралвагонзаводе" сдают ПЦР-тесты на фоне слухов о визите Путина » (Uralvagonzavod subit des tests PCR sur fond de rumeurs de visite de Poutine)
(14) « Путин заявил, что вводить обязательную вакцинацию нельзя » (Poutine a déclaré que la vaccination obligatoire ne devrait pas être introduite)
(15) « Лавров: введение "ковид-паспортов" в ЕС не должно ущемлять права граждан РФ » (M.Lavrov : l’introduction de "passeports Covid" dans l’UE ne devrait pas porter atteinte aux droits des citoyens russes)
10) Edward Slavsquat : Les opinions de Lavrov ou de Moskalkova sur la vaccination ont-elles prévalu en Russie ? En mars 2021, M. Lavrov s’est dit préoccupé par le fait qu’un système de passeport vaccinal de l’UE irait à l’encontre du principe de la vaccination volontaire et porterait atteinte aux droits des Russes qui souhaitent voyager à l’intérieur de l’Union. Près d’un an plus tard, le 2 février 2022, le ministère russe du développement numérique a envoyé à l’Union européenne une demande de reconnaissance mutuelle des passeports anti-coronavirus. (16)
Lucien Cerise : Pour l’instant, tous ces projets semblent à l’arrêt. En fait, il y a un bras de fer au sein de la technocratie mondiale entre les partisans de la dictature sanitaire numérique et leurs opposants. On a pu discerner ce rapport de forces avec les propos contradictoires de l’OMS sur la variole du singe : un jour, c’est très dangereux, le lendemain, ce n’est plus si grave, etc. Au niveau des administrations nationales, de nombreux élus locaux ont été très laxistes. La Russie étant un État fédéral, les politiques sanitaires ont été mitigées selon les différents États de la fédération. D’après mes sources, il y a au moins 3 régions russes, Stavropol, l’Ingouchie et Tver, qui n’ont appliqué aucune mesure sanitaire. En règle générale, dans vos articles, vous ne respectez pas ces nuances, ce qui donne l’illusion d’une adhésion totale du gouvernement russe aux délires de l’OMS.
(16) « Россия направила в ЕС заявку на присоединение к системе проверок QR-кодов » (La Russie a demandé à l’UE d’adhérer au système de vérification des codes QR)
11) Edward Slavsquat : Je vous invite à revoir vos sources. L’Ingouchie n’a jamais adopté la vaccination obligatoire, mais elle a exigé des codes QR pour les événements officiels ou culturels. (17) Fin octobre 2021, Stavropol a adopté la vaccination obligatoire pour « les personnes âgées de plus de 60 ans, les forces de l’ordre, les autorités nationales et municipales, les employés des organisations médicales et éducatives, des services de logement et des services communaux, de la restauration, du commerce, des transports, des services aux consommateurs, les étudiants des universités et des organisations d’enseignement professionnel secondaire âgés de plus de 18 ans et un certain nombre d’autres personnes. » (18) Cette politique a été annulée en mars 2022, selon TASS. (19) La région de Tver a pris l’un des premiers décrets de vaccination obligatoire en Russie. Le 19 juin 2021, la région a annoncé que la vaccination était obligatoire pour « les travailleurs du commerce, de la restauration, des services hôteliers, des centres multifonctionnels, des transports publics et des taxis, de l’éducation, des soins de santé, de la protection sociale et des services sociaux, du logement et des services communaux, de l’énergie, des théâtres, des cinémas, des salles de concert et des installations sportives. Les employés de l’État et des municipalités, les employés des organes gouvernementaux de la région de Tver et des organisations qui leur sont subordonnées sont également tenus de se faire vacciner. » (20) Le 26 octobre 2021, la directrice de Rospotrebnadzor, Anna Popova, a annoncé que toutes les régions de Russie avaient adopté une forme ou une autre de vaccination obligatoire ou de restriction du code QR. (21) L’annonce a été présentée comme une réalisation et non comme une critique, ce qui soulève naturellement des questions sur l’implication du gouvernement fédéral dans l’adoption de décrets de vaccination « régionaux » (en fait, il n’y a pas de questions : toutes les preuves disponibles démontrent clairement que ces politiques ont été entièrement soutenues par les agences fédérales, ainsi que par le Kremlin). (22)
Lucien Cerise : Merci pour ces informations dont je dois tenir compte pour corriger mon analyse des faits. D’après l’article de la Gazette Parlementaire rapportant les propos d’Anna Popova que vous donnez en lien, l’Ingouchie semble avoir échappé aux codes QR également. La dictature sanitaire s’est abattue sur la Russie en 2020, mais les prétendues « mesures sanitaires » n’ont pas toujours été appliquées sérieusement dans ce pays, pour diverses raisons : rébellion de la population, résistance passive des élus locaux, laxisme volontaire des forces de l’ordre, etc. Les exemples se sont multipliés avec le temps, je ne les ai pas tous archivés, mais j’aurais dû, en prévision de cette discussion. Je tiens compte des faits que vous rapportez, mais je souhaite apporter des nuances et je n’en tire aucune conclusion géopolitique globale, ni définitive, mis à part le fait incontestable que la Russie a été piégée et prise en otage par l’OMS et Big Pharma entre 2020 et 2022, comme des dizaines d’autres pays. Mais sur d’autres sujets, comme les mœurs et la famille, le gouvernement russe conserve un certain bon sens, et s’oppose frontalement à l’Occident collectif, soit-disant progressiste, mais en fait simplement décadent. L’oukaze récente du gouvernement russe pour faciliter l’immigration idéologique en Russie des étrangers partageant des valeurs traditionnelles va dans ce sens. (23)
(17) « В Ингушетии не будут вводить обязательную вакцинацию от COVID-19 » (Aucune vaccination obligatoire contre le COVID-19 ne sera introduite en Ingouchie)
(18) « Стало известно, для кого на Ставрополье ввели обязательную вакцинацию » (On sait maintenant pour qui la vaccination obligatoire a été introduite dans le territoire de Stavropol)
(19) « На Ставрополье отменили обязательную вакцинацию для отдельных категорий » (La région de Stavropol a annulé la vaccination obligatoire pour certaines catégories de personnes)
(20) « В Тверской области ввели обязательную вакцинацию для отдельных групп граждан » (Dans la région de Tver, la vaccination obligatoire a été introduite pour certains groupes de citoyens)
(21) « Попова: обязательную вакцинацию от COVID-19 для ряда категорий граждан ввела вся Россия » (Popova : la vaccination obligatoire contre la COVID-19 pour certaines catégories de citoyens a été introduite pour l’ensemble de la Russie)
(22) « Обязательную вакцинацию от ковида для отдельных категорий граждан ввели во всей России » (La vaccination obligatoire contre le Covid pour certaines catégories de citoyens a été introduite dans toute la Russie)
(23) « Подписан Указ об оказании гуманитарной поддержки лицам, разделяющим традиционные российские духовно-нравственные ценности » (Un décret a été signé pour apporter un soutien humanitaire aux personnes qui partagent les valeurs spirituelles et morales traditionnelles de la Russie)
12) Edward Slavsquat : En 2021, la Russie a connu un taux de mortalité jamais enregistré depuis la fin de la Grande Guerre patriotique. La réponse à la fausse pandémie de Covid a eu un effet dévastateur sur la santé des Russes. L’affirmation selon laquelle les choses étaient plus humaines, ou plus raisonnables, n’est pas étayée par des données. (24)
Lucien Cerise : L’article que vous donnez en lien est fort intéressant et montre qu’en Russie un débat contradictoire existe entre démographes et statisticiens russes sur les causes réelles de cette surmortalité. Ce débat n’existe même pas en France, car il est interdit de penser en dehors du récit officiel, qui attribue la surmortalité exclusivement et directement à la maladie Covid-19. Les scientifiques qui osent contester cette vérité officielle, comme le statisticien Pierre Chaillot, sont immédiatement accusés de « théorie du complot ». On voit aussi dans cet article qu’il y a néanmoins chez les scientifiques russes un consensus autour d’une surmortalité d’environ 1 million d’individus, toutes causes confondues, sur la période 2020-2021. J’ajoute en commentaire : le taux de mortalité est une donnée quantifiable et mesurable, mais la qualité de vie ne l’est pas, ou beaucoup plus difficilement, on est obligé de s’appuyer sur des témoignages personnels et subjectifs. Pour comparer seulement deux pays, l’affirmation que la vie était plus dure en France qu’en Russie dans les années 2020-2022 est étayée par tous les témoignages que j’ai recueillis de Français, de Russes et de binationaux ayant vécu et voyagé entre la France et la Russie pendant cette période. À ce stade du raisonnement, j’admets qu’il est difficile de quantifier et d’objectiver les choses, c’est parole contre parole, et il n’y a pas de juge arbitre définitif.
(24) « Смертность в России за последний год стала рекордной со времен войны » (Le taux de mortalité en Russie au cours de l’année écoulée est le plus élevé depuis la guerre)
13) Edward Slavsquat : Voici un autre exemple : les médias alternatifs (y compris vous-même, Lucien) ont affirmé que l’introduction du rouble numérique, contrairement aux autres CBDC, était en fait une bonne chose. En réponse, j’ai souligné que le rouble numérique ne se distingue pas des monnaies des banques centrales promues en Occident et, en outre, j’ai méticuleusement documenté la façon dont les médias patriotiques/conservateurs en Russie – y compris les principaux médias russes comme Tsargrad – ont été très critiques à l’égard du rouble numérique.
Lucien Cerise : Je n’ai jamais dit que l’introduction du rouble numérique était une bonne chose, j’ai dit que la Russie n’a pas le choix. En résumé, si vous ne développez pas votre propre monnaie numérique, vous serez soumis à la monnaie numérique des autres. Le monde est un endroit hautement concurrentiel, en particulier du point de vue économique, mais aussi technologique. L’Histoire ne s’écrit pas avec des bons sentiments, ni avec des idées pures, mais avec des rapports de forces matériels impitoyables, optimisés par la technologie. Car la technologie augmente le corps humain et ses capacités. La technologie rend donc plus fort, au moins à court terme. C’est une fuite en avant, un crescendo, une montée aux extrêmes, et personne ne peut y échapper, sauf à se retirer de la compétition, à déclarer forfait, et laisser l’adversaire gagner. Il est donc normal d’être critique à l’égard du rouble numérique, mais je ne vois pas comment empêcher les monnaies numériques en général de se répandre.
14) Edward Slavsquat : Mais si le rouble numérique n’est pas différent des autres CBDC (c’est-à-dire « mauvais »), comment cela protège-t-il la Russie des effets négatifs des autres CBDC ? Ou je suppose que votre point de vue est que ce n’est pas le cas, mais que la Russie doit quand même faire de mauvaises choses, pour s’assurer que c’est elle qui fait les mauvaises choses, et pas l’Occident ? D’accord, mais ce n’est pas particulièrement rassurant. De plus, la Russie dispose déjà d’un moyen de contourner l’Union Européenne : la Russie dispose déjà d’un moyen de contourner SWIFT (son système de messagerie financière).
Lucien Cerise : Pour comprendre la géopolitique, il faut appliquer comme grille de lecture la théorie des jeux, c’est-à-dire la théorie universelle des rapports de force, la modélisation scientifique des interactions concurrentielles et conflictuelles. Plusieurs philosophes ont ouvert la voie. Comme disait Héraclite, il faut reconnaître que le combat est père de toutes choses, et comme l’a théorisé Nietzsche, la seule question valable dans l’existence est comment l’emporter sur mon adversaire, au-delà du bien et du mal. Il n’y a ni bonnes, ni mauvaises choses, il y a des rapports de forces économiques que l’on ne peut gagner qu’en se battant à armes égales avec l’ennemi, donc avec la même technologie, ou une autre technologie plus puissante, que je vais inventer et qui me donnera un avantage compétitif sur l’ennemi. Il se trouve que les technologies de l’information vont toujours dans le même sens, la dématérialisation, qui induit une sensation de confort matériel, donc de plaisir, par exemple avec le paiement sans contact. L’avantage compétitif de la dématérialisation, ou numérisation, est l’accélération des flux d’information. Nous sommes déjà dépendants de l’informatique, qui permet de diffuser l’information mille fois plus vite que l’imprimerie, et 10.000 fois plus vite que l’écriture à la main. Les CBDC ne sont que la suite logique. La traçabilité et le contrôle à distance, donc la fin de la vie privée, sont les conséquences de cette concurrence générale optimisée par les technologies numériques. Je ne dis pas que c’est bien, mais que personne ne peut y échapper. Quiconque reste en dehors de ce système finit par se marginaliser et renoncer à sa souveraineté. C’est pourquoi la Russie a développé le système de paiement électronique MIR, pour rester compétitive au niveau économique mondial après les premières sanctions économiques occidentales en 2015, qui préparaient l’exclusion totale de la Russie du système de paiement occidental SWIFT.
15) Edward Slavsquat : Ai-je fait quelque chose de mal en soulignant tous ces faits ? Suis-je coupable de susciter la « méfiance » à l’égard de Poutine et de la Russie (je ne sais même pas ce que cela signifie) ? Je ne savais pas que citer ce que les Russes à l’intérieur de la Russie disent de la Russie était un crime contre la Russie. Je comprends que nombre de mes articles de blog contredisent directement les balivernes facilement démenties colportées par les médias occidentaux « indépendants », mais je ne vois pas en quoi cela constitue de « l’ingénierie sociale » ?
Lucien Cerise : Le lien social est structuré par trois types de relations : la confiance, la méfiance et l’indifférence. L’ingénierie sociale consiste à prendre le contrôle méthodique du lien social en prenant le contrôle de ces relations de confiance, de méfiance et d’indifférence à l’intérieur d’un groupe ou entre divers groupes, pour faire varier ces trois types de relations, et ainsi construire, déconstruire, reconstruire à volonté les groupes humains en modifiant stratégiquement la forme du lien social. Tout le monde le fait intuitivement, voire inconsciemment, mais l’ingénierie sociale consiste à le faire consciemment, comme du management et du Team-Building, pour créer des alliances et des nouveaux groupes en créant de la confiance, ou en créant de la méfiance pour monter des « conflits triangulés », diviser pour régner, et décomposer un groupe ou empêcher des rapprochements et des alliances. Il peut y avoir de bonnes raisons de susciter la méfiance envers un individu, un groupe, un pays. C’est ce que vous pensez quand vous essayez de briser la confiance que certains Occidentaux éprouveraient envers la Russie, en donnant une mauvaise image de ce pays et de son gouvernement. Pour ma part, j’estime qu’il faut essayer de rester neutre, objectif, impartial.
16) Edward Slavsquat : Par ailleurs, suggérez-vous que la position par défaut des médias alternatifs devrait être de « faire confiance » à Poutine et à la Russie (encore une fois, je ne suis même pas sûr de ce que cela impliquerait) ? Mais les médias indépendants n’existent-ils pas pour créer un libre échange d’idées afin d’aider les gens à se faire leur propre opinion sur ce qui se passe dans notre monde de fous ? J’ose espérer que les médias alternatifs ne sont redevables à personne et ne dépendent d’aucun gouvernement ? Que la Russie ait adopté ou non des mesures de « santé publique » approuvées par l’OMS n’est peut-être pas important pour vous, mais laissez-moi vous assurer que c’est tout à fait pertinent si vous vivez en Russie.
Lucien Cerise : L’approbation de la Russie par l’OMS a ses limites. Par exemple, le vaccin russe Sputnik V n’a jamais été approuvé par l’OMS. Peut-être parce qu’il n’est pas assez dangereux ? Blague à part, avez-vous des chiffres sur les effets indésirables du vaccin russe, pour les comparer avec ceux des vaccins occidentaux ? De mon côté, j’ai trouvé des chiffres sur la mortalité après injection des différents vaccins. Une étude russe basée sur les chiffres officiels divulgués par 13 pays – Inde, Brésil, Argentine, Chili, États-Unis, France, Allemagne, Royaume-Uni, Autriche, Italie, Norvège, Danemark, Russie – montrait en avril 2021 que le taux de mortalité après injection du vaccin de Pfizer était en moyenne dans ces pays de 39,4 décès pour un million de doses injectées ; Moderna : 20,2 décès ; AstraZeneca : 12,8 décès ; Johnson & Johnson : 7,5 décès ; Sputnik V : 2 décès. Les auteurs de l’étude reconnaissent que la relation de cause à effet directe et linéaire n’est pas clairement établie, mais on observait déjà en avril 2021 des constantes et des corrélations troublantes sur le niveau de dangerosité des vaccins. (25) Il est légitime de nous objecter que cette étude promue par un fonds d’investissement de l’État russe n’est pas neutre et qu’elle est orientée pour faire la promotion commerciale du vaccin russe. Peut-être. Les conflits d’intérêts existent partout, surtout dans le secteur médical, mais ce n’est pas non plus systématique, et l’objectivité existe encore en science. Si vous avez d’autres chiffres, je suis preneur.
(25) « РФПИ сравнил смертность после прививки Спутником V и другими вакцинами » (Le RDIF a comparé la mortalité après vaccination avec Sputnik V et d’autres vaccins)
17) Edward Slavsquat : Si Sputnik V est sûr et efficace, pourquoi le gouvernement russe cache-t-il les résultats des essais cliniques de ce médicament ? (26) Entre-temps, de nombreux médecins russes ont affirmé que Sputnik V était lié à de graves effets indésirables. (27) Je vous encourage à lire un rapport déposé en octobre 2021 par Katyusha.org sur les professionnels de la santé en Russie qui ont parlé des complications post-vaccinales et du manque de contrôle de la sécurité dans le pays. (28) Notamment, les données officielles post-vaccinales recueillies par l’Argentine (qui a utilisé Sputnik V et plusieurs vaccins occidentaux) montrent que le vaccin russe était comparable (et dans certaines catégories pire) au bilan de sécurité d’AstraZeneca. (29) Il serait formidable d’avoir accès à des données similaires en Russie, mais elles n’existent pas.
Lucien Cerise : J’ai lu votre article, avec le chat Susan, sur le vaccin Sputnik V, et qui semble confirmer que la dangerosité du vaccin russe est similaire à celle du vaccin d’AstraZeneca, car c’est la même technologie, et presque le même vaccin. Difficile à estimer compte tenu du flou sur les chiffres de la pharmacovigilance. Si ça peut vous rassurer, tous les chiffres sont faux, en Russie comme en Occident, soit par falsification intentionnelle, ou falsification méthodologique, soit par sous-déclaration des effets secondaires, ou par sur-déclaration des effets secondaires, le décès y compris. La relation de cause à effet directe et linéaire entre une vaccination et un effet secondaire est difficile à prouver quand c’est différé dans le temps, on est souvent limité à mettre en évidence des corrélations statistiques, donc des présomptions fortes, des faisceaux d’indices. Une chose est certaine, les politiques sanitaires de l’OMS augmentent les pathologies physiques et mentales. Les gens sont en moins bonne santé en 2024 qu’en 2019, mais selon moi, c’est multi-factoriel. Pour comparer la folie covidiste entre la Russie et l’Occident, il faut prendre tous les chiffres avec des pincettes, et je crains que nous ne soyons limités aux témoignages personnels, avec tous les biais subjectifs que cela suppose. D’autre part, le traitement contre la Covid-19 à l’hydroxychloroquine a été autorisé en Russie, contrairement à la France où il a été censuré. Je ne suggère pas qu’il faut faire confiance par défaut à Poutine et la Russie. Je me demande pourquoi certaines personnes essayent de susciter la méfiance envers Poutine et la Russie. Si vous comparez avec l’Occident collectif, cet « empire du mensonge », il n’y a pas matière à s’alarmer en Russie. Rien n’est parfait, rien n’est idéal, mais si vous cherchez une vraie « république bananière », où c’est la mafia qui fait la loi, alors bienvenue en France.
(26) « Sputnik V is an unlawful experiment, patient advocacy group says »
(27) « Sputnik V: It's what "alt media" craves! »
(28) « "Назвать это вакциной нельзя" честные врачи и правозащитники разоблачили вакцинофашизм на конференции в Петербурге » ("On ne peut pas appeler ça un vaccin" : d’honnêtes médecins et militants des droits de l’homme ont dénoncé le fascisme vaccinal lors d’une conférence à Saint-Pétersbourg)
(29) « 18° Informe de seguridad en vacunas »
18) Edward Slavsquat : L’hydroxychloroquine a été autorisée pendant environ un an en Russie, d’avril 2020 à mai 2021. (29) Date à laquelle elle a été retirée de la liste des médicaments approuvés par le ministère de la Santé. (30) À l’automne 2021, le ministère de la Santé a « optimisé » le traitement Covid en ajoutant le Remdesivir à sa liste de médicaments autorisés. Pas très scientifique, à mon humble avis. (31) Encore une fois, je ne comprends pas ce que signifie « susciter la méfiance à l’égard de Poutine et de la Russie », mais puisque vous convenez que la position par défaut des médias indépendants ne devrait pas être de « faire confiance » à Poutine et à la Russie, je suppose que cela n’a pas tant d’importance que cela.
Lucien Cerise : Je prends acte du fait que les opposants à l’hydroxychloroquine en Russie ont gagné la bataille en mai 2021. Sur le Remdesivir : comme souvent dans les sciences expérimentales, les résultats et les conclusions changent avec le temps. Par exemple, entre 2020 et 2022, l’OMS a dit une chose et son contraire – d’abord contre le Remdesivir, puis pour le Remdesivir – voir la mise à jour publiée en avril 2022 venant corriger un communiqué de novembre 2020. (32) Ceci étant dit, globalement, je suis d’accord avec vous sur la dangerosité de l’industrie pharmaceutique, en Russie comme ailleurs. Et je considère que, par défaut, il faut se méfier et cultiver une attitude critique contre l’industrie pharmaceutique, en Russie comme ailleurs. Pour conclure sur les causes de surmortalité : une étude canadienne récente tend à démontrer que c’est surtout la mauvaise réponse des services publics de la santé qui a abouti à augmenter artificiellement la mortalité dans la période 2020-2023. Les vaccins n’auraient qu’une responsabilité limitée. En tout cas, je crois que nous tomberons d’accord également, vous et moi, sur le fait que ce n’est pas le virus qui a causé cette surmortalité. (33)
(29) « Минздрав одобрил применение китайского препарата гидроксихлорохин при коронавирусе » (Le ministère de la santé approuve l’utilisation de l’hydroxychloroquine, un médicament chinois, dans le traitement du coronavirus
(30) « Россиян не будут лечить от коронавируса гидроксихлорохином » (Les Russes ne seront pas traités contre le coronavirus par l’hydroxychloroquine)
(31) « Минздравом России утверждена новая версия методрекомендаций по COVID-19 » (Le ministère russe de la santé a approuvé une nouvelle version des lignes directrices de la méthodologie COVID-19)
(32) « L’OMS ne recommande pas l’administration de Remdesivir aux patients COVID-19 »
(33) « À nouveau sur la pandémie du COVID: La plus grande étude du genre révèle que la surmortalité s’explique par la mauvaise réponse de la santé publique »
19) Edward Slavsquat : Lucien, pouvez-vous m’expliquer pourquoi les sujets que je traite sur mon blog sont abordés quotidiennement dans les espaces d’information russes par des Russes patriotes (toutes tendances politiques confondues) ? Est-ce parce qu’ils sont engagés dans une « ingénierie sociale » contre Poutine et leur propre pays ? Peut-être veulent-ils simplement un meilleur avenir pour le pays dans lequel ils vivent ? Ou bien les Russes qui critiquent la base de données biométriques unifiée de leur gouvernement font-ils de la propagande pour l’OTAN ?
Lucien Cerise : Tous les pays industrialisés élaborent des bases de données biométriques. Les Russes qui critiquent celles de leur gouvernement devraient s’intéresser peut-être un peu plus aux bases de données biométriques que les USA et l’OTAN collectent sur les Russes. Vous avez entendu parler des laboratoires d’armes biologiques que l’OTAN développait en Ukraine ? Critiquer les bases de données biométriques russes sur les Russes sans critiquer d’abord, et avant tout, les bases de données biométriques anti-russes de l’OTAN sur les Russes ressemble effectivement à de la propagande pour l’OTAN. De la propagande subtile, par omission. Encore une fois, la Russie n’est pas mon sujet, mais je suis obligé de réagir quand on essaye de me faire croire que c’est pire qu’en Occident.
20) Edward Slavsquat : Quel est le rapport entre les bases de données biométriques, les laboratoires biologiques ukrainiens et les armes biologiques présumées ? Je ne suis pas sûr de suivre votre logique. Mais si nous prenons au pied de la lettre les allégations ukrainiennes concernant les « armes biologiques », on peut se demander pourquoi le bouclier sanitaire russe, qui est censé garantir la biosécurité du pays, repose largement sur des tests PCR (qui ne sont pas adaptés) et des vaccins génétiques (qui n’ont pas été correctement testés et qui n’ont pas fait leurs preuves). Cela ne semble pas être une très bonne façon de se protéger contre une menace biologique réelle. Mais ce n’est que mon avis. (34)
Lucien Cerise : Ma logique est celle de la course aux armements. Le point de départ est le suivant : au moyen de ses bases de données biométriques sur les Russes, l’OTAN développe des armes biologiques dans des laboratoires situés sur le territoire ukrainien pour frapper la population russe. Si le gouvernement russe veut soutenir le rapport de forces, au moins de manière défensive, dans le domaine des armes biologiques, avec un bouclier sanitaire adapté, il doit s’appuyer, lui aussi, sur des bases de données biométriques concernant sa propre population, pour réaliser les antidotes et remèdes aux maladies créées par manipulation génétique et gain de fonction dans les laboratoires ukrainiens de l’OTAN pour frapper la population russe. La politique de biosécurité de la Russie est subordonnée à cette exigence de protection et de survie des Russes. Mais la politique sanitaire russe est partiellement sous influence idéologique occidentale et mondialiste. Comme on le voit depuis 2020, l’OMS et Big Pharma parviennent à subvertir la biosécurité russe, ce qui explique les dérives et la soumission à des sortes de modes et de nouvelles tendances comme les tests PCR.
(34) « No brakes on Moscow's biosecurity charade »
21) Edward Slavsquat : Vous affirmez : « La technologie est un bus qui ne s’arrête jamais et que tout le monde veut conduire. C’est comme la course aux armements, personne ne peut y échapper, sauf en se désarmant et en laissant l’autre camp gagner. » En quoi le fait de ne pas développer de « vaccins » génétiques expérimentaux permet-il à « l’autre camp de gagner » ? Comme je l’ai demandé dans ma réponse à un article que vous avez écrit à l’automne 2023, que gagne la Russie à imiter l’auto-immolation de ses prétendus ennemis ? L’idée que Moscou serait en quelque sorte « laissée pour compte » si elle n’adoptait pas des technologies dangereuses, invasives et anti-humaines n’a pas de sens à mes yeux. Il existe de nombreuses technologies qui sont adoptées par certains pays et rejetées par d’autres pour diverses raisons, notamment pour des raisons de sûreté ou de sécurité. Le vote électronique (qui est rapidement adopté en Russie) en est un parfait exemple. Pouvez-vous expliquer pourquoi vous pensez que la Russie serait désavantagée si elle décidait de ne pas adopter des technologies qui semblent ne présenter aucun avantage pour le peuple russe ?
Lucien Cerise : Le vaccin russe Sputnik V a été lourdement critiqué, notamment par l’Union Européenne, comme étant du « nationalisme sanitaire » de la part de la Russie. Expliquons cela. Si la Russie n’avait pas développé son propre vaccin plus vite que les vaccins occidentaux, alors les vaccins occidentaux auraient envahi le marché russe et c’est le vaccin de Pfizer ou Moderna qui aurait été injecté au peuple russe. La loi purement capitaliste de la concurrence commerciale, couplée à l’exigence légitime de souveraineté sanitaire de la Russie, les deux facteurs additionnés ont abouti à ce que ce pays développe son propre vaccin, capable de rivaliser avec les vaccins occidentaux. Le caractère expérimental du vaccin Sputnik V, donc sa dangerosité potentielle pour la santé des Russes, vient de l’urgence dans laquelle il a été élaboré, pour ne pas perdre la course de vitesse scientifique et commerciale. Avec cet exemple, on comprend les contraintes qui pèsent sur les politiques nationales et qui réduisent la marge de liberté des acteurs socio-politiques. On ne fait pas ce que l’on veut, même quand on s’appelle Poutine, car on doit tenir compte en permanence des autres pays, auxquels nous sommes contraints d’adapter notre comportement, concurrentiel ou coopératif. Et quand ces autres pays développent une technologie invasive, capable de m’envahir, je dois me mettre rapidement au même niveau de développement technologique, pour déployer une parade technologique défensive. Problème : dans ce processus concurrentiel mené en urgence, la santé publique devient un objectif presque secondaire, car il faut, tout d’abord, avoir un produit à présenter plutôt que rien, même si le produit n’est pas parfait et n’a pas encore passé tous les tests de sécurité. Mais cette compétition de vitesse engage tous les acteurs de la situation, tous les laboratoires pharmaceutiques. Le laboratoire occidental AstraZeneca et la Russie ont finalement conclu fin 2020 un partenariat pour travailler sur des essais cliniques communs à leurs deux vaccins dont la technologie est similaire. Et en 2021 la Russie a lancé sa version allégée, le Sputnik Light.
Certains commentateurs, dont vous faites partie, abordent ces questions comme si c’était une affaire de liberté de choix. Il n’y a aucun choix possible avec la technologie, qui avance de manière systémique, enveloppante, uniformisatrice et non sélective a priori sur le plan éthique et humain. Tout ce qui est faisable sera fait, pour le meilleur et pour le pire, et on ne revient jamais en arrière, sauf exception. Tout le monde est obligé de s’y plier et d’avancer parce que renoncer à utiliser une technologie n’empêchera pas les autres de continuer à l’utiliser, et à façonner le paradigme technoscientifique dans lequel je subsiste également et qui finira par m’encercler de toutes façons, et peser sur mon comportement, au moins de manière réactive, et même si je ne veux pas y participer (cf. Ted Kaczyinski).
On retrouve cet engagement systémique obligatoire dans le progrès technique à l’échelle des États-nations. Un pays qui renonce à telle technologie renonce à sa propre capacité d’action dans le monde et à sa volonté de puissance. Il faut oublier les illusions de la métaphysique qui vous font croire au libre arbitre, comme si nous étions de purs esprits détachés du monde. La bioéthique est une activité purement théorique. Au début n’est pas le Verbe, mais la relation. Nous sommes toujours déjà pris dans des systèmes d’interactions sociales qui ont la forme de rapports de forces et de calculs d’intérêt, et qui surdéterminent notre comportement. La grille de lecture adéquate pour comprendre ce qui se passe est la théorie des jeux. Tout le monde est en compétition avec tout le monde, et essaye de prendre l’avantage sur les autres, or c’est l’innovation technologique, et rien d’autre, qui permet de soutenir ces rapports de force universels. Autrement dit, tout le monde imite tout le monde, mais pour essayer de surpasser la concurrence. Le peuple aussi est technophile. Vous aussi, vous fonctionnez comme ça : vous utilisez l’informatique, et vous seriez désavantagé si vous ne l’utilisiez pas, car votre lectorat serait divisé par plusieurs milliers. Autrement dit, vous êtes augmenté par l’informatique, qui vous confère une capacité de diffusion de l’information supérieure à l’humain moyen de l’âge pré-informatique. L’invention de l’imprimerie par Gutenberg a permis de réaliser le même bond à son époque. Quand il arrive qu’une nouvelle technologie ne soit pas adoptée ou soit rejetée, c’est parce que les moyens matériels de la développer n’existent pas, ou que cela dysfonctionne trop. Mais aussi longtemps que le rapport entre le coût et le bénéfice semble être positif, on continue d’avancer. Exemple : le vote électronique pose de nombreux problèmes. En France, il y a eu un moratoire pendant des années, mais des députés demandent à le lever pour pallier le manque de bénévoles qui participent au dépouillement des urnes dans les bureaux de vote. La technologie va donc remplacer l’humain, parce que l’humain est défaillant. En Russie, Ella Pamfilova, présidente de la Commission électorale centrale, a cependant posé des limites au vote électronique et déclaré qu’il n’y aurait pas de remplacement « bolchévique » du vote normal. (35)
Ce n’est qu’une question de temps pour que nous soyons, tous, complètement dépendants des nouvelles technologies, qui apparaissent à notre époque. Voyons l’histoire des sciences et des techniques. L’augmentation transhumaniste du corps humain commence avec les premières armes et les premiers outils. Les nouvelles technologies sont toujours développées au début dans un cadre militaire hautement concurrentiel, car les questions militaires sont des questions de vie ou de mort. Si l’ennemi développe des technologies plus puissantes que les miennes, je suis potentiellement envahi, colonisé, détruit. Puis, ces nouvelles technologies trouvent des applications civiles par effet de ruissellement ou de contamination sociétale, comme les modes et les nouvelles tendances. Les chercheurs en laboratoire de chaque complexe militaro-industriel de la planète passent leur temps à s’espionner mutuellement tant qu’ils en sont à la phase de recherche et développement, mais quand la technologie est banalisée, après 2 ou 3 générations, elle se normalise et infuse dans toute la société. L’énergie nucléaire commence par bombarder le Japon, puis est exploitée en usines pour produire de l’électricité à destination de la population. Internet est tout d’abord une invention de militaires sous le nom Arpanet, puis arrive dans le domaine civil 30 ans plus tard. La cybernétique et l’informatique sont en général des objets de l’innovation technique militaire remontant à la Deuxième Guerre mondiale, et aujourd’hui plus personne ne peut s’en passer. Pour critiquer la transformation numérique en Russie, vous utilisez vous-même les outils de la transformation numérique. Et vous ne pouvez pas y renoncer.
Pour aborder simplement ces questions de philosophie des sciences posez-vous la question : « Est-ce que je peux aujourd’hui vivre sans ordinateur, sans internet, sans Smartphone ? » Dites-moi franchement. Si vous répondez « oui » dans cet article publié sur votre blog informatique, alors vous êtes en pleine contradiction et vous vous mentez à vous-même. En revanche, vos grands-parents vivaient très bien sans ces nouvelles technologies informatiques. Vos grands-parents vivaient très bien sans ces technologies parce qu’elles n’existaient pas matériellement, non pas parce qu’ils avaient décidé de ne pas les utiliser. Si ces technologies informatiques avaient existé à l’époque, ils les auraient utilisées et en seraient devenus dépendants, comme ils ont utilisé les technologies qui existaient de leur vivant, la radio, la télévision, le téléphone fixe, et en étaient dépendants également. Et c’est ainsi que l’Histoire avance, par « fabrique du consentement au franchissement de seuils technologiques ».
(35) « Памфилова исключила «большевистскую» замену традиционного голосования » (Pamfilova a exclu l’idée d'un remplacement du vote traditionnel par un vote "bolchévique")
22) Edward Slavsquat : Vous écrivez : « La Russie développe une stratégie numérique plus conservatrice et plus prudente que l’Occident ». Pouvez-vous nous donner quelques exemples ? La CBDC de la Banque de Russie a des mois (voire des années) d’avance sur ses homologues occidentaux. La Russie développe également rapidement des cartes d’identité numériques et biométriques. Comment cela est-il possible si Moscou adopte une stratégie plus « prudente et conservatrice » ?
Lucien Cerise : Le gouvernement russe travaille à développer une intelligence artificielle qui respecte la culture et l’identité russes. Il existe déjà des différences entre l’IA occidentale ChatGPT, qui obéit totalement à l’idéologie woke et LGBT, et l’IA russe YandexGPT, qui est sous influence également de cette idéologie, mais moins que son homologue occidental. Pour plus de détails, je renvoie le lecteur à mon article
« La Russie et le Great Reset ». (36) Sinon, je ne suis pas convaincu que la Russie ait tellement d’avance sur la transformation numérique. La France développe l’identité numérique depuis au moins 2004, date de publication du « Livre Bleu » du Gixel, le lobby du numérique français. (37) Comme tout le monde, la Russie est contaminée par la technophilie, c’est évident. Un article de la presse russe sur l’arrivée du crédit social en Russie déclarait : « Il convient de noter qu’en 2020, l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair a qualifié l’introduction d’une carte d’identité numérique d’"inévitable" lors d’une conversation avec M. Gref, et le directeur du Forum Économique Mondial a déclaré que, que les gens le veuillent ou non, "le monde parviendra tôt ou tard à une carte d’identité universelle pour les citoyens et à une monnaie entièrement numérique". » (38)
Comment lutter contre la transformation numérique ? Les gens qui se posent cette question, comme vous et moi, c’est-à-dire les gens qui veulent s’opposer à la transformation numérique, le font au moyen des outils de la transformation numérique. Quelque part, c’est absurde : nous fulminons contre Bill Gates et son Great Reset, en utilisant les outils que Bill Gates a mis à notre disposition pour communiquer et qui provoqueront le Great Reset. Nous écrivons nos textes contre Bill Gates et son Great Reset sur un traitement de texte nommé Word, développé par Microsoft, de Bill Gates, personnage qui nous horrifie mais qui nous a donné les moyens de communiquer entre nous, y compris de façon polémique, contre la transformation numérique, au moyen d’internet, de messageries électroniques et des technologies numériques, donc sans sortir de chez nous, donc « sans contact », donc en appliquant un point central du Great Reset. Autrement dit, on ne lutte pas contre la transformation numérique, on peut seulement la mitiger. Il y a deux facteurs qui engagent le monde entier dans les nouvelles technologies. Le premier est la compétition internationale du type course aux armements, qui est le véritable moteur de l’innovation technologique, phénomène universel auquel personne n’échappe. Le second est le prométhéisme idéologique, mélange de candeur technophile et de progressisme naïf, que l’on peut refuser entièrement, tout aussi naïvement, en renonçant à la recherche scientifique, donc en renonçant à sa souveraineté, mais qui peut être aussi mitigé et nuancé par une approche prudente et conservatrice qui ne renonce pas au développement technique. J’ai l’impression que la Russie essaye de réaliser le pari de l’archéo-futurisme, au sens de Guillaume Faye, c’est-à-dire ne pas se laisser dépasser par l’innovation technologique des autres puissances mondiales, soutenir sa propre innovation technologique – car la souveraineté technologique est la condition de la souveraineté politique et géopolitique – mais sans abandonner sa culture traditionnelle et son identité enracinée, ni tomber dans un transhumanisme maladif comme ce que fait l’Occident LGBT. La technologie menace l’identité humaine d’innombrables dérives, mais les discours de Poutine sur la souveraineté numérique de la Russie montrent que le pouvoir russe est conscient de ces menaces – de même que les conservateurs occidentaux comme Trump, Bolsonaro, Orban, le PIS polonais, mais ils n’exercent pas le pouvoir, ou alors difficilement. Néanmoins, comme tout le monde, la Russie est obligée de suivre le rythme de la concurrence pour rester compétitive à l’échelle internationale et protéger sa souveraineté.
L’Histoire a un sens, déterminé par l’innovation technologique. Toute l’activité numérique en ligne est la base de la quatrième révolution industrielle annoncée par Klaus Schwab, et nous y participons tous directement. Quiconque utilise Internet travaille à réaliser le Great Reset. La transformation numérique n’est donc pas un critère discriminant, au sens épistémologique, pour juger de ce qui se passe en Russie puisque c’est universel. C’est métapolitique, et même métahistorique. Maintenant, si vous voulez lutter sérieusement contre l’Agenda 2030, les CBDC et le transhumanisme, commencez par jetez votre Smartphone à la poubelle, et débranchez-vous d’Internet, des blogs et des réseaux sociaux. Inutile d’alerter contre les Smart Cities, la 5G, la fin de l’argent liquide, les puces implantées dans le cerveau, vous êtes déjà complètement connecté, tracé et surveillé avec le GPS et le micro d’ambiance de votre téléphone cellulaire, et vous participez vous-même à la dématérialisation des monnaies et à la numérisation de l’existence. La technologie construit une servitude volontaire. Nous en sommes victimes, mais consentantes. En effet, depuis les années 1980 et l’avènement de l’informatique pour le grand public, vous avez déjà volontairement et librement franchi tous les paliers successifs et irréversibles de la quatrième révolution industrielle, donc de votre aliénation dans le virtuel. Je vois beaucoup de gens comme vous qui se plaignent sur Internet de la prison numérique qu’ils sont en train de construire eux-mêmes. Pour rationnaliser cette contradiction interne, cette dissonance cognitive, ils cherchent un bouc émissaire, la Russie par exemple. Comprenez-moi bien : il faut évidemment dénoncer la dictature numérique, mais pourquoi s’acharner sur la Russie quand nous sommes tous en train d’y participer ? Il faudrait peut-être nettoyer devant sa porte avant de critiquer le voisin.
(36) « La Russie et le Great Reset »
(38) « "Работа и жильё - от 70 баллов": к 2035 году россияне получат соцрейтинг » ("Travail et logement - à partir de 70 points" : d’ici 2035, les Russes bénéficieront d'un classement social)
23) Edward Slavsquat : Dans votre essai intitulé « La Russie et le Great Reset », vous affirmez que Moscou est en train de se retirer de l’OMS. Pouvez-vous nous informer à ce sujet ? Le gouvernement fédéral a déclaré à plusieurs reprises depuis mai 2022 qu’il n’avait pas l’intention de quitter l’OMS. La semaine dernière, le ministre russe de la santé, Mikhail Murashko, a déclaré qu’il serait « illogique et inapproprié » de quitter l’Organisation Mondiale de la Santé.
Lucien Cerise : Pour être précis, je n’affirme pas que Moscou est en train de se retirer de l’OMS, je cite Piotr Tolstoï, vice-président de la Douma d’État, qui parlait publiquement en 2022 de retirer la Russie de toutes les organisations mondiales qui prétendent dicter sa politique à la Russie, et il citait l’OMS entre autres. Dans un article de 2023, vous vous êtes moqué de cette déclaration en rappelant le nombre de semaines écoulées depuis cette déclaration sans que rien ne se passe. Mais vous êtes adulte, et vous savez que la Russie est dans l’OMS depuis plusieurs décennies maintenant, et que dans ces conditions d’aliénation, le temps administratif et bureaucratique pour reprendre une souveraineté sanitaire totale va prendre plusieurs années également. Il se peut que le gouvernement russe échoue à quitter l’OMS, tout le monde en est conscient, car les globalistes sont puissants, aussi dans ce pays. À ma connaissance, les autres pays où il y a un débat à la tête de l’État sur les nuisances de l’OMS sont les USA, le Brésil et plusieurs pays africains. Il se peut également que la Russie décide d’avoir un pied dedans et un pied en dehors de l’OMS, comme à l’époque de l’URSS. Et il se peut aussi que la Russie et d’autres pays parviennent à faire plier l’OMS de l’intérieur, sans besoin de la quitter ou de la détruire, pour qu’elle ne parvienne pas à réaliser son projet ultime, la fin de la souveraineté sanitaire des États-nations, soit la fin de la multipolarité dans le champ sanitaire. Les déclarations de Rospotrebnadzor, l’agence fédérale russe de protection des consommateurs, sur les motivations bassement économiques de l’OMS et de son concept de « maladie X » exposé à Davos 2024 démontrent que les autorités sanitaires de Russie sont de plus en plus critiques contre la dictature sanitaire. (39) La Russie a de multiples bonnes raisons de s’opposer à l’OMS. Le parlement russe a voté en novembre 2023 une loi interdisant la propagande LGBT, surtout auprès des enfants. Or, l’OMS est favorable à la propagande LGBT et fait la promotion du changement de sexe des enfants et de l’éducation sexuelle dès la naissance. En France, et dans plusieurs pays d’Europe, les pédophiles ont pris le pouvoir et définissent les programmes scolaires. Des travestis et des transsexuels ont l’autorisation de venir dans les écoles pour des ateliers sur la masturbation précoce. L’Union Européenne et les anglo-américains sont au cœur de ce système maladif en cours d’effondrement. De son côté, la Russie a encore les moyens de soutenir un rapport de forces avec l’OMS sur plusieurs dossiers, non seulement parce que l’OMS n’a jamais reconnu le vaccin russe Sputnik V, mais aussi à cause du dossier LGBT et du dossier des Organismes Génétiquement Modifiés (OGM), sur lequel l’OMS est très laxiste. Au fil des années, le parlement russe a effectivement pris un ensemble de mesures pour favoriser l’agriculture biologique, d’une part, mais aussi contrôler drastiquement les OGM sur son territoire, afin d’en réduire la consommation, et en ménageant une exception pour la recherche fondamentale. S’il n’est pas possible d’arrêter complètement la recherche sur les OGM, car il n’est pas possible d’arrêter la science, il est cependant possible d’interdire leur production commerciale et de limiter ainsi leur consommation. (40)
(39) « Роспотребнадзор прокомментировал заявления о "болезни Х" » (Rospotrebnadzor a commenté les allégations relatives à la "maladie X")
(40) « ГМО в России остаются под жестким запретом » (Les OGM restent strictement interdits en Russie)
24) Edward Slavsquat : Vous mettez en garde contre une « cinquième colonne libérale mondialiste pro-occidentale qui travaille à l’intégration de la Russie dans la mondialisation unipolaire ». Quelle est votre définition de la « mondialisation unipolaire » ? Pouvez-vous également citer quelques-uns de ces cinquièmes colonnes libérales en Russie ?
Lucien Cerise : Il faut distinguer deux facteurs de mondialisation, c’est-à-dire d’uniformisation du monde. Le premier n’est pas politique, ni intentionnel : c’est la découverte scientifique et ses conséquences appliquées. L’innovation technologique est un processus d’unification apolitique du monde. Les lois de la physique sont universelles. Elles sont les mêmes pour tous. Quand le cerveau humain les découvre et les exploite, il homogénéise par conséquent son environnement. Par ailleurs, le progrès technique réduit les distances. Les identités et les substances autrefois isolées sur la surface de la planète sont amenées à se rencontrer, à se mélanger, à se métisser, d’où un processus entropique d’uniformisation, de nivellement par le bas et par la moyenne. Ce mécanisme surdétermine les choix politiques, il est plus fort que la volonté, et ne laisse que peu de choix et de marge de manœuvre, notamment à cause de l’émulation concurrentielle qui saisit tous les acteurs de la recherche, et l’adoption rapide des nouveaux produits par les consommateurs, induisant de nouveaux usages et de nouveaux comportements sociologiques. Il y a donc un fatalisme de la mondialisation technologique, qui se traduit par un déploiement de l’informatique ambiante, ou ubiquitaire, soit l’intelligence artificielle fusionnée dans l’environnement, et qui va régler nos vies et nos relations entre objets et sujets connectés. C’est la quatrième révolution industrielle, à laquelle nous participons tous dès que nous faisons usage des technologies informatiques.
Ensuite, et en parallèle, il existe un projet politique d’unification du monde et de dépassement de la multipolarité géopolitique, que l’on peut appeler le mondialisme, ou le globalisme unipolaire. Son objectif est l’abolition des souverainetés nationales et la centralisation toujours croissante du pouvoir. Son idéologie est la société ouverte soutenue par George Soros, ou encore la société liquide décrite par Zygmunt Bauman. En résumé, c’est le libéralisme dans sa version la plus individualiste. Ses trois piliers sont ceux de l’Union Européenne : l’immigration, le LGBT, et… la russophobie ! Une russophobie viscérale, systématique, pathologique. Les Russes parlent de « l’Occident collectif » pour qualifier ce front russophobe, essentiellement occidental, dont le bras armé est l’OTAN. La cinquième colonne en Russie est composée de tous les individus qui admirent ce modèle occidental et antirusse, et qui voudraient l’importer et l’appliquer en Russie. La masse des gens connaît surtout les agitateurs médiatiques, comme Alexeï Navalny, mort en février 2024 après avoir fait une thrombose, effet indésirable de ses multiples injections du vaccin Pfizer. On peut éventuellement ranger dans cette cinquième colonne tous ceux qui travaillent à donner une image exagérément négative de la Russie. Il y a certainement des raisons de critiquer le gouvernement russe et sa tendance à suivre l’OMS ou l’ONU, mais la priorité absolue est de mettre fin au projet politique de la mondialisation unipolaire soutenu par l’Occident collectif.
25) Edward Slavsquat : À votre avis, les BRICS offrent-ils une alternative claire à ce que proposent les structures mondiales telles que le G20 ?
Lucien Cerise : Pourquoi pas ? En tout cas, s’il existe un personnel politique et des peuples capables de mettre fin au chaos occidental, c’est parmi les BRICS qu’on les trouvera. La multipolarité est une promesse de décentralisation, de souveraineté et de respect de la vraie diversité, pas la « diversité inclusive », ce mauvais slogan woke de la CIA et de l’OTAN. On peut parler également du Sud global, qui commence à s’éveiller et à prendre conscience de sa force. En 2023, on a assisté à une succession de putschs en Afrique subsaharienne pour virer la présence coloniale française et américaine, et se rapprocher de la Russie et de la Chine. Pourquoi ? Parce que la France et les USA placent les « droits LGBT » au centre de leur diplomatie internationale. Les pays du tiers-monde peuvent supporter de laisser piller leurs ressources naturelles par les envahisseurs occidentaux si, en contrepartie, ces envahisseurs occidentaux construisent quelques routes ou voies ferrées. Mais quand l’envahisseur occidental veut livrer vos enfants aux drag-queens et aux pédophiles, les populations locales et leurs armées ont encore le bon sens de dire « Stop ! » et de se soulever. J’ai l’impression que l’on peut compter aussi sur l’Afrique noire pour poser des limites à l’OMS. Même la Chine s’est rebellée contre le mondialisme sanitaire. En décembre 2022, les autorités de santé chinoises ont décidé de renverser la norme internationale en arrêtant d’intégrer les comorbidités et les cas asymptomatiques dans les statistiques de la Covid-19, pour arriver à un total de seulement 5242 morts depuis le début de l’épidémie en 2019. Certains diront que le chiffre exact est peut-être sous-estimé, mais c’est la révolution dans la méthode de calcul qui compte. Wang Guiqiang, le directeur du Département des maladies infectieuses du Premier hôpital de l’Université de Pékin, déclarait : « Les décès résultant en premier lieu de pneumonies ou d’insuffisances respiratoires provoquées par le nouveau coronavirus seront comptées comme des décès par le COVID-19, tandis que les patients décédés du fait d’autres maladies préexistantes, comme les maladies cardiovasculaires, ne seront pas inclus. » (41)
(41) « COVID-19 : les experts clarifient leurs critères pour le nombre de morts »
26) Edward Slavsquat : Vous écrivez que la guerre en Ukraine « a commencé avec le putsch ukrainien en 2014 ». Je ne suis pas en désaccord (et je ne pense pas que Yurie Roșca le soit non plus). Cependant, je crains que l’Opération Militaire Spéciale ne soit pas en mesure d’atteindre ses objectifs, comme l’a déclaré Poutine en février 2022. Par exemple, comment cette guerre empêchera-t-elle la formation d’un mouvement anti-russe permanent en Ukraine ? Il me semble que la guerre a en fait cimenté cette transformation. Si vous pensez que ces inquiétudes sont infondées et déraisonnables, pouvez-vous expliquer pourquoi ?
Lucien Cerise : Dans un article de 2024, Yurie Roșca montre qu’il participe à la réécriture occidentale de l’Histoire, qui fait commencer la guerre en 2022. Yurie Roșca a rejoint pour la Moldavie le mouvement anti-russe de l’Occident collectif globaliste. En Ukraine, le « mouvement antirusse permanent » était déjà formé, cimenté et au pouvoir depuis le putsch de 2014 et l’annexion de ce pays par l’OTAN. L’opération militaire russe a justement pour objectif de libérer l’Ukraine de ce mouvement anti-russe, en la libérant de l’OTAN et des ONG étrangères antirusses qui ont réalisé les deux révolutions colorées (2004 et 2014). Ce mouvement anti-russe est expansionniste, le slogan du régiment Azov était « Aujourd’hui l’Ukraine. Demain la Russie et toute l’Europe » (« Сегодня Украина. Завтра Россия и вся Европа »), et il préparait un nettoyage ethnique du Donbass au printemps 2022. (42) Après la riposte russe, l’armée ukrainienne était vaincue en mars 2022 et les pourparlers de paix pour démilitariser et dénazifier l’Ukraine avaient commencé à Istanbul. Mais Boris Johnson a dit « Let’s fight » et la guerre a repris, sous pilotage des Occidentaux, et jusqu’au dernier Ukrainien. L’armée russe sera donc probablement contrainte de libérer la totalité du territoire ukrainien. Comment ? On assiste à une manœuvre d’encerclement de l’intérieur. Après avoir libéré les régions de l’Est et du sud-est, le gouvernement russe va sans doute organiser de nouveaux référendums de rattachement à la Russie dans les régions d’Odessa et de Transnistrie. L’armée russe va donc remonter le long des frontières ouest, et elle ira ensuite jusqu’à la Biélorussie. Pour réaliser cette opération, l’armée russe économise ses forces car elle sait que la guerre n’est pas une question de vitesse, mais d’endurance. De son côté, l’OTAN n’a plus du tout les moyens de ses ambitions. Le capitalisme occidental est déchiré depuis ses origines entre ses deux aspects contradictoires : le consumérisme et le militarisme. Or, c’est le consumérisme, donc l’hédonisme et l’individualisme, qui a gagné ce combat intérieur. Le militarisme et ses valeurs de sacrifice individuel ont complètement déserté l’esprit des Occidentaux. Le moral des troupes est au plus bas. Personne n’ira mourir pour Zelensky. Il ne reste à l’OTAN que les opérations clandestines, menées par des terroristes, des paramilitaires et des mercenaires fanatiques. (43)
(42) « Белая Реконкиста под Чёрным Солнцем, МАНИФЕСТ БАТАЛЬОНА АЗОВ » (Reconquista blanche sous le soleil noir, Manifeste du Bataillon Azov)
(43) « Entretien de Lucien Cerise avec l’agence TASS en Russie »