Deuxième tour de l’élection présidentielle : Modeste Schwartz s’en mêle !

Le grand art de la politique, c’est d’avoir un train d’avance. Or les gens qui me fréquentent et me lisent – ou, disons le mot : les gens de mon camp – ont en général, hélas, plutôt un train de retard. Ces temps-ci, ils se passionnent pour l’Ukraine (pays avec lequel la France n’a pas plus d’alliance qu’avec la Russie), et pour cette science du passé qu’est la géopolitique.


Les mêmes, en général, me resservent en ce moment les vieux refrains abstentionnistes éculés qui avaient peut-être encore plus ou moins un sens sous Chirac, Sarko ou Hollande. Ils veulent « décrédibiliser le système ». Trop tard : Macron l’a fait à leur place, plus vite et mieux. Face à ce que Gauchet appelle fort justement le mitterrando-chiraquisme (on a aussi parlé d’UMPS), refuser de participer au rituel électoral pouvait encore constituer un message, du type « je ne suis pas dupe de cette fausse alternance ». Eh bien, la fausse alternance a pris fin. Ça marchait pas mal, remarque, mais c’était lent. Or Attali et ses potes étaient pressés (pourquoi exactement ? – bonne question).
En restant chez vous dimanche, vous envoyez donc (dans votre imagination) un message vers l’an 2016. Dans la réalité, le message objectif (que vous ne voulez pas forcément envoyer, mais qui partira tout de même vers l’an 2022), c’est : « Vite ma dose, parce que je la mérite ! ».
 
Et la suppression de l’alternance (confirmée par le déballonnage express des baudruches Zemmour et Pécresse) n’est qu’un aspect de la révolution macronienne. C’était peut-être le mensonge démocratique tout entier que vous comptiez « décrédibiliser » ? Réjouissez-vous, l’histoire vous a donné raison (avant même que vous ne le remarquiez) : à la différence d’un Sarko et d’un Hollande, produits de la République des partis pour lesquels une abstention dépassant 50% était censée représenter un problème théorique (en pratique, ils s’en accommodaient sans grand troubles digestifs ni érectiles – merci pour eux), Macron et sa bande ne font même pas semblant d’y cotiser. Pour eux, à la rigueur, le plus inquiétant, ce serait une participation forte débouchant sur une majorité solide. Lisez Schwab, bordel. La Vox populi, c’est aussi fini kaputt terminé que la Vox Dei. Maintenant, c’est « l’opinion d’une majorité d’experts » (sélectionnés et stipendiés par une majorité de milliardaires). Subjectivement, vous boudez « l’arnaque de 1789 ». Objectivement, vous êtes de retour à Babylone, et ne donnez aucun signe de vous en inquiéter.
 
Modeste Schwartz
17 avril 2022

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